AUMONT JEAN-PIERRE (1911-2001)
Le 5 janvier 1911 naît à Paris Jean-Pierre Salomons qui, devenu Aumont, soulignera « sa déplorable tendance de vouloir, à tous prix, s'amuser en tous lieux ». Après des années scolaires tumultueuses, il s'oriente vers le Conservatoire. Le prestige de son grand-oncle Georges Berr, comédien réputé, pèse sur cette décision. Il fréquente les coulisses du Théâtre-Français, mais c'est Louis Jouvet qui le repère et le fait débuter dans Le Prof' d'anglais de Régis Gignoux (1931).
Jean-Pierre Aumont pénètre alors furtivement dans les studios. Il n'est encore qu'une brève silhouette dans Jean de la Lune (Jean Choux, 1931). Mais, rapidement, il impose l'image d'un grand garçon blond, à la fois sportif et romantique, tantôt rieur, tantôt rêveur. Le séduisant maître-nageur de Lac aux dames (Marc Allégret, 1933) fait de lui une vedette. Gentil mauvais garçon (Dans les rues, Victor Trivas, 1933), soupirant sacrifié de Maria Chapdelaine (Julien Duvivier, 1934), il papillonne et rafraîchit les drames sentimentaux exacerbés par la Grande Guerre (L'Équipage, Anatole Litvak, 1934 ; Le Déserteur, Léonide Moguy, 1939), les mélodrames boulevardiers (Le Voleur, Maurice Tourneur, 1933 ; Le Messager, Raymond Rouleau, 1937 ; Maman Colibri, Jean Dréville, 1937), les feuilletons d'aventures (Chéri-Bibi, Léon Mathot, 1937). Chien fou, il bondit dans des films allègres (Les Beaux Jours, Marc Allégret, 1935 ; Le Chemin de Rio, Robert Siodmak, 1936 ; La Porte du large, Marcel L'Herbier, 1936 ; Belle Étoile, Jacques de Baroncelli, 1938). Parfois l'application chasse le naturel, comme dans Drôle de drame (1937) et Hôtel du Nord (1938) de Marcel Carné.
Lorsque la guerre éclate, Jean-Pierre Aumont a le grade de sergent. La défaite l'abasourdit, et les lois raciales l'inquiètent. Il parvient à quitter la France. Henry Bernstein, dont il avait été l'interprète, l'accueille à New York et l'engage pour jouer en 1942 Rose Burke, qui n'est pas une réussite. Mais l'enthousiasme du comédien, sa spontanéité, son intelligence plaisent aux dirigeants de la Metro Goldwyn Mayer, qui l'engagent pour sept ans. Il surprend dans deux films de propagande : Assignment in Brittany (Jack Conway et Jules Dassin, 1942) et The Cross of Lorraine (Tay Garnett, 1943). Le succès est au rendez-vous américain. Mais, gêné de se tenir à l'écart des combats, Jean-Pierre Aumont participe avec les Forces françaises libres au débarquement en Italie. Puis il se bat en Provence. À la fin de la guerre, il rejoint Maria Montez, actrice somptueuse et bonne comédienne, qu'il a épousée en 1943 et qui mourra accidentellement huit ans plus tard.
La carrière de Jean-Pierre Aumont va se partager désormais entre la France et les États-Unis, où il symbolise, comme Charles Boyer, la séduction française. La R.K.O. l'engage pour Heartbeat (Sam Wood, 1945). Walter Reisch lui confie le rôle du jeune Rimski-Korsakov dans Song of Sheherazade (1946), flamboyant film en Technicolor. En 1952, il participe au délicieux Lili de Charles Walters.
Les Français, qui ne le voient pas vieillir, reconnaissent que les œuvrettes de Gilles Grangier, de Maurice Cloche ou de François Villiers, le frère de Jean-Pierre Aumont, ne sont pas à la hauteur de sa réputation. Sacha Guitry lui confie des silhouettes historiques dans Si Versailles m'était conté (1953) et Napoléon (1954), comme le fera encore quarante ans plus tard James Ivory pour Jefferson à Paris. L'invitation de François Truffaut à camper le metteur en scène de La Nuit américaine ne pouvait que ravir Jean-Pierre Aumont, de même que celle de Marguerite Duras à jouer dans sa pièce, Des journées entières dans les arbres, puis dans l'adaptation de celle-ci (1976). Car il aimait le théâtre qui le lui rendait bien. Là encore, le registre est très large[...]
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Écrit par
- Raymond CHIRAT : historien de cinéma
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