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LÉAUD JEAN-PIERRE (1944- )

Contrairement à une légende tenace, la carrière de Jean-Pierre Léaud n’a pas débuté avec Les Quatre Cents Coups (1959). Non seulement il a joué (avec Jean Marais) en 1957 dans La Tour, prends garde !, de Georges Lampin, mais il est apparu, à l’âge de quatre ans, dans Un homme marche dans la ville, de Marcello Pagliero. Rien d’étonnant à cela, puisque, né le 5 mai 1944, il est le fils de la comédienne Jacqueline Pierreux et du scénariste Pierre Léaud. À quinze ans, Les Quatre Cents Coups, premier long-métrage de François Truffaut et acte de naissance officiel de la nouvelle vague, le propulse au rang de vedette, sous l’égide de Jean Cocteau, pour qui il interprète un petit rôle dans Le Testament dOrphée (1960). Léaud devient un acteur marquant de la nouvelle vague, à travers les films de François Truffaut et de Jean-Luc Godard, puis de Jean Eustache, de Philippe Garrel (La Concentration, 1968 ; Rue Fontaine, 1984 ; La Naissance de l’amour, 1993), de Jacques Rivette (Out 1, 1970-1972) ou de Luc Moullet (Une aventure de Billyle Kid,1971). Mais il participe en même temps à des films qui dessinent la modernité de ces années 1960-1970 : Le Départ (Jerzy Skolimowski, 1967), Porcherie (P. P. Pasolini, 1969), Les Héritiers (Carlos Diegues, 1969), Le Lion à sept têtes (Glauber Rocha, 1970), Le Dernier Tango à Paris (Bernardo Bertolucci, 1972)... Au cours des années 1990-2000, nombre de jeunes réalisateurs (Aki Kaurismäki, Olivier Assayas, Marion Vernoux, Noémie Lvovsky, Nobuhiro Suwa et surtout Tsai Ming-liang (Et là-bas, quelle heure est-il?, 2001 ; Visage, 2009) vont utiliser Léaud comme une référence.

Naissance d’Antoine Doinel

C’est à la suite d’une annonce publiée dans France-Soir que François Truffaut choisit Jean-Pierre Léaud parmi près de quatre cents candidats. Ses quelques minutes de bout d’essai, où il fait montre de la « gouaille » demandée par le réalisateur comme d’une touchante timidité, appartiennent désormais à sa filmographie, au même titre que les quelque soixante-dix films qui suivront Les Quatre Cents Coups. Truffaut trouve en lui « une certaine souffrance par rapport à la famille » qui est aussi la sienne. Mais leurs révoltes sont différentes : « Je préférais camoufler et mentir. Jean-Pierre, au contraire, cherche à froisser, à choquer, et tient à ce qu’on le sache... » Jean-Pierre Léaud est un des rares acteurs à incarner cinq fois au cinéma le même personnage : l’évolution physique, mentale, sociale d’Antoine Doinel suit celle de l’acteur (Antoine et Colette, 1962, sketch de LAmour à vingt ans; Baisers volés, 1968 ; Domicile conjugal, 1970 ; LAmour en fuite, 1979). Léaud permet ainsi à Truffaut de réaliser un des désirs profonds de la plupart des cinéastes de la nouvelle vague : le retour des personnages d’un film à l’autre, comme Balzac l’avait imaginé de roman en roman dans La Comédie humaine. Dès Les Quatre Cents Coups, le choix de Léaud, sous l’effet de la forte personnalité de l’adolescent, transforme le personnage de Doinel comme le scénario : « Je considère donc qu’Antoine est un personnage imaginaire qui emprunte un peu à nous deux », dira plus tard Truffaut. Il jouera vis-à-vis de Léaud le rôle de père de substitution et de protecteur que le critique André Bazin avait assumé auprès de lui. Pour Truffaut, Léaud sera également le jeune acteur romantique et instable de La Nuit américaine (1973) et Claude Roc, dandy fragile d’une des œuvres les plus raffinées du réalisateur, Les Deux Anglaises et le continent (1971).

«La Chinoise», J.-L. Godard - crédits : UCLA Photo Collection/ Collection privée

«La Chinoise», J.-L. Godard

Malgré le label commun de « nouvelle vague », un gouffre sépare le style de Truffaut de celui de Jean-Luc Godard , surtout en matière de direction d’acteur. Ce gouffre est pourtant allègrement franchi par Jean-Pierre Léaud. Truffaut a défini ce qui demeure chez lui d’un cinéaste à l’autre[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Média

«La Chinoise», J.-L. Godard - crédits : UCLA Photo Collection/ Collection privée

«La Chinoise», J.-L. Godard

Autres références

  • GODARD JEAN-LUC - (repères chronologiques)

    • Écrit par et
    • 1 418 mots

    3 décembre 1930 Naissance de Jean-Luc Godard à Paris, d'une riche famille bourgeoise et protestante suisse. Il est élevé par sa mère au milieu des livres, et dans la religion protestante.

    1948 Après des études dans un collège à Nyons en Suisse, puis au lycée Buffon à Paris, il passe son baccalauréat...

  • LA MAMAN ET LA PUTAIN, film de Jean Eustache

    • Écrit par
    • 1 042 mots
    Eustache est magistralement servi par un trio d'acteurs qu'il a dirigé avec une rare rigueur. Jean-Pierre Léaud est un Alexandre plus vrai que nature et Bernadette Lafont comme Françoise Lebrun sont à tout jamais, l'une Marie, la Maman, et Véronika, la jeune Putain, mais celle que l'on aime....
  • LES QUATRE CENTS COUPS, film de François Truffaut

    • Écrit par
    • 944 mots
    La réussite du film tient à la rencontre entre le réalisateur et son jeune alter ego : Jean-Pierre Léaud est extraordinaire de spontanéité dans la peau d'Antoine. Truffaut a su merveilleusement capter le langage et le comportement des jeunes garçons de cet âge difficile, entre l'enfance et l'adolescence....
  • TRUFFAUT FRANÇOIS (1932-1984)

    • Écrit par
    • 2 164 mots
    • 4 médias
    ...le prix de la mise en scène. Outre l’originalité, la sincérité, la vivacité de l’écriture qui caractérisent ce film, la presse comme le public sont touchés par son aspect à l’évidence personnel, voire autobiographique, Antoine Doinel(Jean-Pierre Léaud) apparaissant comme le double du réalisateur.