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LÉVY JEAN-PIERRE (1911-1996)

« Jean Moulin n'a nul besoin d'une gloire usurpée : ce n'est pas lui qui a fondé Combat, Libération, Franc-Tireur : c'est Frenay, d'Astier, Jean-Pierre Lévy. »

Ces mots d'André Malraux donnent à Jean-Pierre Lévy, mort à Paris le 15 décembre 1996, sa juste place dans l'histoire de la Résistance française. Il fut le créateur d'un des grands mouvements de résistance de la zone libre, Franc-Tireur, où l'action politique et la propagande eurent autant d'importance que le renseignement militaire, puisqu'on n'y concevait pas que la libération nationale fût séparée d'une insurrection nationale porteuse d'une révolution.

Né à Strasbourg le 28 mai 1911, fils de commerçant, bachelier en droit et diplômé de l'institut d'enseignement commercial supérieur de sa ville natale, Jean-Pierre Lévy était, au début de la guerre, représentant d'une filature alsacienne à Lyon. Pour cet officier de réserve soucieux de son indépendance, les tracts du groupe France-Liberté préludèrent à l'organisation d'un service de renseignements, de filières d'évasion par l'Espagne, de groupes francs dont l'un réussit, à Noël 1942, l'un des premiers sabotages industriels, à l'usine Francolor de Roanne. Les succès du mouvement furent payés de soixante-neuf déportations et quatorze morts pour la France.

Franc-Tireur, ce fut aussi un journal paru à partir de décembre 1941 avec, en sous-titre, Mensuel, dans la mesure du possible et par la grâce de la police du Maréchal. Il compta, parmi les signatures de ses trente-sept numéros, celle de l'historien Marc Bloch, qui fut fusillé en 1944. La Revue libre et Le Père Duchesne se rattachaient également au mouvement dont les animateurs furent des socialistes et des syndicalistes qui dénoncèrent le gouvernement de Vichy comme « ni libre ni légal ».

S'il fut retenu en France avec Jean Moulin, en octobre 1942, lorsqu'à Londres se décidèrent la création du Comité de coordination de la résistance en zone sud et la constitution d'une armée secrète unifiée, Jean-Pierre Lévy fut le plus fidèle soutien de la délégation gaulliste et un modérateur efficace dans les tensions entre Emmanuel d'Astier de la Vigerie et Henri Frenay. Franc-Tireur saluait en de Gaulle « le refus de céder, le sens de la grandeur nationale, un long héritage de gloire, la juste fierté d'un peuple qui, vendu, n'est pas vaincu » ; pour son fondateur et ses militants, « le miracle de la Résistance [était] d'avoir dressé sa puissance morale contre le triomphe du fer et de l'acier » et l'existence du général de Gaulle devait assurer à la France libérée « l'économie d'une période d'hésitation et de trouble ».

Jean-Pierre Lévy séjourna à Londres au printemps de 1943 et reçut alors sa croix de compagnon de la Libération pour son courage passionné et ses hautes qualités civiques. Avant de repartir pour la France, dès juillet 1943, il participa au comité exécutif de propagande du Comité français de libération nationale ainsi qu'à la mise au point des ordres de mission des délégués militaires régionaux.

Membre du Conseil national de la Résistance, Jean-Pierre Lévy fut arrêté le 16 octobre 1943 et, après une tentative vaine en janvier 1944, libéré par un de ses groupes francs le 12 juin. Il resta, après la guerre, administrateur du journal Franc-Tireur jusqu'en 1954. Commissaire à l'Office professionnel des industries du cuir de 1944 à 1947, il fut directeur des industries diverses et des textiles au ministère de l'Industrie et du Commerce de 1947 à 1970. Administrateur des Houillères d'Auvergne de 1957 à 1964, il siégea au conseil de la Régie nationale des usines Renault de 1965 à 1971 puis présida le Centre national pour l'exploitation des océans. Il fut[...]

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Écrit par

  • : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)

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