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PINCEMIN JEAN-PIERRE (1944-2005)

« Mener d'une manière paradoxale des principes rigoureux et construits, et d'autres empruntés et imagés, sans jamais faire de choix » : c'est ainsi que, peu avant sa brutale disparition, à l'âge de soixante et un ans, l'artiste français Jean-Pierre Pincemin anticipait avec humour ce qui pourrait, dans un article de dictionnaire, résumer la singularité de son travail.

Il plaçait la liberté d'improviser au centre des protocoles plastiques implacables qu'il s'imposait. Cette imprévisibilité, il disait volontiers la tenir d'Arthur Rimbaud, comme de « cette faculté qu'ont les enfants de coller les hasards ensemble, d'en faire des évidences ». Entre principes et hasard, l'artiste s'arrogeait le droit de divaguer depuis la stricte abstraction jusqu'aux registres figuratifs les plus hétérodoxes. Tout au long de son œuvre, il resta fidèle à une pratique soumettant peinture, gravure ou sculpture à l'épreuve des modes de dissémination, de contamination des images. Il revendiquait comme le fondement même de sa recherche l'association des sources et ressources de la bande dessinée, du cinéma, des maîtres du Louvre, de modalités opératoires contemporaines de l'action painting, de l'art minimal américain ou de l'essentielle « leçon de Franz Kline ». Cet ancrage contradictoire, qu'il qualifiait de « matérialiste », Pincemin le dut sans doute à l'insolite cheminement qui fit du pensionnaire chez les jésuites l'ouvrier tourneur d'une usine aéronautique, puis un artiste autodidacte.

Dès 1967, encouragé par le galeriste parisien Jean Fournier, Pincemin « emprunte » d'incertains matériaux industriels de rebut dont il tire des constructions exposées au salon de la Jeune Sculpture. Puis il réalise des suites d'empreintes, assemblages, estampages et autres encollages, sur toile libre ou caoutchouc. Les Carrés-collés, puis les Palissades, fondées sur un processus de neutralisation de la peinture, le conduisent, entre 1969 et 1974, à se rapprocher du groupe Supports-Surfaces. Mais d'« ouvrier-peintre », il devient bientôt « peintre d'histoire », ainsi que l'écrit le critique Bernard Lamarche-Vadel, et se replie sur une solitude à l'idiosyncrasie dérangeante.

« Artiste archiconventionnel », Pincemin revendique alors un vocabulaire d'un modernisme austère, convoquant les « formes du xxe siècle » pour les exprimer dans « un langage pictural relevant du xviie ». Selon ce principe, il développe un art de la répétition qui érige le schème orthogonal de chaque toile en « un petit morceau d'architecture », où enduits et glacis génèrent de sourdes résonances tout près de la monochromie. L'artiste voyait dans une telle conjonction, associant Vermeer, Picasso et Mondrian, « le minimum et le maximum de ce qu'il savait faire en peinture ».

Pourtant le succès de cette « formule » plastique, qui, disait-il, « faisait frémir de plaisir les jeunes filles » le lassera vite, ainsi d'ailleurs que son enfermement dans « un langage personnel et unique ». Au milieu des années 1980, Pincemin retourne donc à des agencements de matériaux et de couleurs, dans une expérience sauvage de la sculpture soumise « à la dure loi de la réalité ». Ses agrégats hétéroclites, provoquant outrageusement la gravité physique, font apparaître dans l'espace les figures de l'émergence et de l'effondrement. Entretenant bientôt des rapports délibérément ambigus avec le mouvement du « retour à la figuration », Pincemin veut prendre le risque de confronter son savoir-faire pictural aux formes de la représentation qui lui sont les plus étrangères.

En 1987, l'« année de l'Inde » constitue sa première tentative systématique d'approcher une culture étrangère « par ses contours[...]

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