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PONNELLE JEAN-PIERRE (1932-1988)

Oscar Fritz Schuh, le grand homme du théâtre allemand de l'après-guerre, voyait dans la poétique le seul élément véritablement provocateur du théâtre contemporain. En ce sens, Jean-Pierre Ponnelle a été un provocateur, un metteur en scène qui, au-delà d'une pénétration analytique des chefs-d'œuvre, tenait la poésie et la sensualité pour les caractéristiques essentielles du théâtre. Artiste français qui a grandi dans le théâtre allemand, Jean-Pierre Ponnelle a opéré une symbiose réussie entre la conscience latine du théâtre et la volonté allemande d'aller plus loin dans les chefs-d'œuvre, l'analyse et le plaisir du jeu, l'esprit critique et l'humour acide, d'une part, le goût, le charme et la poésie, d'autre part. Né dans un milieu grand-bourgeois catholique – les Ponnelle possèdent un grand domaine viticole à Beaune –, au sein d'une famille où l'intérêt pour la musique, la littérature et les arts sont des évidences de la vie, Ponnelle a rencontré dès sa jeunesse la musique et de grands artistes comme Alfred Cortot et Pablo Casals. Affranchi des conflits de générations et des complexes du passé qui pesaient sur ses confrères allemands, il avait des œuvres une vision libre de préjugés et de toute volonté laborieuse de classification. Dans ses mises en scène, il est resté un interprète de l'idée créatrice, montrant un grand respect pour l'auteur, même lorsque ce respect n'allait pas sans critique. C'était un travailleur infatigable, possédé d'un zèle pratiquement autodestructeur : « J'investis toute ma force et toute mon imagination dans une mise en scène parce que c'est le contenu de ma vie, le moteur de ma vie. Il est possible que ma pratique des partitions soit un substitut des drogues, de ce que l'on appelle la vie en général. Lorsque je passe deux heures sur une partition de Mozart, c'est pour moi une sorte d'éros, un sentiment de satisfaction maximale. » Ponnelle était sans cesse en quête des nouvelles aventures offertes par le théâtre, et se tournait de plus en plus vers le cinéma et la télévision. Le plus étonnant dans sa carrière-éclair de scénographe, puis de metteur en scène, est la qualité de son travail, qui a toujours été d'un haut niveau au fil des années. Ce n'est que dans la dernière phase de sa vie, notamment dans le contexte de la diffusion mondiale de ses œuvres, qu'il a été victime d'un maniérisme issu d'une imagination visuelle excessive, mais aussi d'une certaine routine, certainement à cause de la maladie. Reste qu'aucun autre metteur en scène d'opéra de l'après-guerre n'a su étonner le monde international de l'opéra avec un pouvoir créateur aussi fort et aussi durable.

Jean-Pierre Ponnelle naît à Paris le 19 février 1932. Peu de temps après la guerre, en 1945, sa famille s'installe à Baden-Baden, où son père, pour le compte des forces d'occupation françaises, est l'un des cofondateurs de la Südwestfunk, station de radio qui devait devenir l'un des principaux centres de la nouvelle musique en Allemagne. Le responsable musical en était le chef d'orchestre Hans Rosbaud, dont l'influence sur le jeune Ponnelle sera marquante. Après des études au lycée français de Baden-Baden et l'obtention du baccalauréat à Strasbourg, Ponnelle étudie la philosophie et l'histoire de l'art à la Sorbonne, la peinture avec Fernand Léger – dont il a peu appris, si l'on en croit ses propres dires – puis le graphisme, avec Jonny Friedländer. L'un des éléments déterminants de sa carrière théâtrale est son amitié avec le compositeur allemand Hans Werner Henze, qui avait été enthousiasmé par le talent pictural du jeune Français. Ponnelle effectue ses débuts en 1950, à Wiesbaden, où il[...]

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  • : rédacteur en chef de Opernwelt, musicologue

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