PROUVOST JEAN (1885-1978)
Né à Roubaix le 24 avril 1885, Jean Prouvost avait devant lui l'avenir bien tracé et sans panache du grand industriel du Nord.
Après des études sans surprise commencées chez les jésuites et peaufinées en Grande-Bretagne, il prend la tête du peignage Amédée Prouvost, une affaire qui marche mais qu'il enrichit et transforme par son mariage puis par la création de la Lainière de Roubaix. La filature succédant au peignage fait le succès de l'entreprise qui se placera au premier rang de l'industrie textile européenne. De son groupe, Jean Prouvost s'occupe. Mais de loin, et en mesurant strictement son temps, car c'est à la construction d'un autre empire – papier journal contre pelotes de laine – qu'il consacre la démesure et la passion qui l'habitent.
L'occasion de faire ses premières armes lui est fournie à deux reprises par un compatriote, collaborateur de Clemenceau, Louis Loucheur, qui lui demande en 1917 de racheter le quotidien défaitiste Le Pays, détesté par le Tigre, et qui le mettra, en 1924, sur la piste d'un autre titre. C'est ainsi que Jean Prouvost devient propriétaire de Paris-Midi – 4 000 exemplaires ; il va, en six ans, y roder une formule coup de poing, conjuguant politique commerciale et politique rédactionnelle (avec, déjà, Pierre Lazareff et Hervé Mille), qui le conduira au succès. Paris-Midi tire à 100 000 exemplaires quand son propriétaire et rédacteur en chef rachète Paris-Soir en 1930.
« Un journal qui se vend est un journal bien fait. » Cet axiome – cynique ? – fut la règle d'or et de conduite qu'adopta Jean Prouvost pour tous ses titres, et que devait ratifier une époque sans radio ni télévision. Pour côtoyer, puis pour vaincre son rival L'Intransigeant, Paris-Soir joue d'abord sur la présentation. La mise en valeur des grands titres à la une et celle des photos spectaculaires imposent un papier de qualité, satiné... que va fournir Ferdinand Béghin, une autre figure du Nord, industriel de la betterave et du sucre, appelé à la rescousse et qui deviendra le partenaire du patron.
Quant au contenu du journal, il est surveillé sans complaisance par son directeur et rédacteur en chef, omniprésent, omnipotent.
En six ans, Paris-Soir, qui passe de 70 000 à 1 700 000 exemplaires, signe sa réussite. Au rang de ses meilleures trouvailles : l'invention des reportages à plusieurs voix et le prestige de ses signatures. Winston Churchill lui donnera un article par semaine ; Colette couvre les faits-divers ; Jean Cocteau refait le tour du monde en quatre-vingts jours ; Georges Simenon enquête sur le meurtre du conseiller Prince. Les correspondants de guerre ont nom Blaise Cendrars (pour le Chaco), Joseph Kessel, Antoine de Saint-Exupéry, Gaston Bonheur pour la guerre d'Espagne. Maurice Dekobra et Pierre Mac Orlan jouent les envoyés spéciaux à Berlin ; Pierre Daninos rend compte de la visite des souverains anglais à Paris en 1938 ; Paul-Émile Victor raconte le Groenland... Il n'est jusqu'à Roger Vailland, qui, sous la signature de Robert François, ne s'exerce au journalisme dans ses colonnes. Non exempt de reproches, Paris-Soir fut malgré tout bien autre chose que le « Pourri Soir » dénoncé par ses détracteurs. Marie-Claire, hebdomadaire féminin, acheté en mars 1937, atteint le million d'exemplaires à l'époque de la transformation de Match, journal sportif (racheté en 1938), en hebdomadaire d'actualité illustré.
Aux heureux du « quatrième pouvoir », la politique offre parfois ses mirages, qui sont autant de pièges. Jean Prouvost s'y laisse prendre, à l'époque la plus néfaste, et entre le 6 juin 1940 dans le gouvernement Paul Reynaud en tant que ministre de l'Information. Le 19 juin, il est nommé haut-commissaire à l'Information du gouvernement Pétain. Il démissionne le 10 juillet. Quant à [...]
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Écrit par
- Jacqueline PUYAU : journaliste
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