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PUCELLE JEAN (mort en 1334)

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Préludant au développement ultérieur de l'art de Pucelle, deux manuscrits semblent pouvoir être rattachés aux débuts de la carrière de celui-ci : les Heures de Jeanne de Savoie (musée Jacquemart-André, Paris) et le Bréviaire de Blanche de France (bibl. Vaticane, Rome). La science du drapé, un modelé subtil qui donne aux peintures l'effet du relief confèrent déjà un cachet d'originalité à ces œuvres qu'animent des scènes clairement agencées, peuplées de personnages élégamment campés. On n'y reconnaît pas encore toutefois l'élément italianisant si remarquable dans les créations postérieures : Bible de Robert de Billyng, Bréviaire de Belleville et Heures de Jeanne d'Evreux. Ces trois œuvres, exécutées en un laps de temps assez réduit, entre 1324 et 1328, représentent l'art de Pucelle à sa maturité. La Bible de Billyng est, de ces trois manuscrits, celui où le maître se révèle le plus soumis à la tradition iconographique parisienne. On y reconnaît cependant les qualités propres à l'artiste ; pureté des formes, densité des personnages et utilisation d'éléments architecturaux d'inspiration italienne traités en fort relief. Cet intérêt pour la troisième dimension trouve son expression la plus achevée dans les Heures de Jeanne d'Evreux, qui est incontestablement l'œuvre majeure de Pucelle et la seule dont on puisse penser qu'elle est entièrement « autographe ». Du point de vue iconographique, le manuscrit se signale par une première originalité : les scènes de la Passion y sont juxtaposées, dans l'office de la Vierge, à celles, traditionnelles, de l'Enfance. Un parti pris certain d'austérité (l'œuvre est entièrement enluminée de blanc et de noir) contraste avec le raffinement de la technique ainsi qu'avec les drôleries, d'une inépuisable variété, qui parsèment le volume et à travers lesquelles Pucelle exprime sa fantaisie d'homme du Nord. Les emprunts très précis à l'art transalpin qu'on relève dans les illustrations font apparaître Pucelle comme un véritable novateur ; celui-ci est le premier en Europe septentrionale à avoir su recréer, à l'instar des maîtres italiens, l'illusion de la troisième dimension et à avoir représenté de façon convaincante des scènes d'intérieur : c'est le cas de la scène de l'Annonciation. Certains détails iconographiques, un élément dramatique nouveau semblent indiquer d'autre part que l'artiste a pu connaître et admirer lors d'un passage en Italie la Maestà de Duccio : la Crucifixion et la Déploration du Christ dans le livre d'heures sont en effet directement inspirées du chef-d'œuvre du maître siennois. L'art de Pucelle dans le Bréviaire de Belleville présente la même dualité que dans les Heures de Jeanne d'Evreux : goût des drôleries d'une part, intérêt pour les problèmes de représentation de l'espace d'autre part, qui se traduit par l'utilisation fréquente de petits édicules aux détails architecturaux d'inspiration italienne. Le manuscrit est surtout remarquable par l'originalité du cycle iconographique adopté dans le calendrier et le psautier : le programme allégorique ici mis en œuvre est longuement expliqué dans un texte préliminaire et a pu être attribué sans invraisemblance à Pucelle lui-même. Du point de vue de la technique picturale, l'œuvre présente d'assez notables différences avec les manuscrits précédemment cités, ce qui peut s'expliquer par le fait que l'illustration du manuscrit, conçue et dessinée par Pucelle, n'a pas été nécessairement peinte par le maître lui-même, dont à ce propos il convient de rappeler l'activité de « pourtrayeur ».

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Écrit par

  • : conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris

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