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RICARDOU JEAN (1932- )

Né a Cannes le 17 juin 1932, romancier et critique (ces deux activités d'écriture sont chez lui réversibles), membre du comité de rédaction de la revue Tel Quel entre 1962 et 1971, Jean Ricardou doit être avant tout considéré comme l'exégète, le théoricien et le chef de file du Nouveau Roman. Si l'on écarte ses œuvres de fiction – L'Observatoire de Cannes (1961), La Prise de Constantinople (1965), Les Lieux-dits (1969) – qui valent moins par elles-mêmes que par référence à un discours critique qui les motive, qu'elles vérifient et relancent, c'est au gré de quatre essais de première importance, impressionnants dans leur rigueur glacée et leur implacabilité conceptuelle, que se constitue son itinéraire ; itinéraire qu'il faut saisir autant dans sa progression chronologique que dans sa relation à un corpus textuel bien délimité.

Quand s'opère, entre les années 1950 et 1960, un regroupement d'écrivains divers mais rapprochés par le hasard (un éditeur commun) et la nécessité (la parenté des projets littéraires : une déconstruction plurielle du roman traditionnel avec son histoire, sa psychologie, ses personnages), Ricardou en assume d'emblée la coordination et la législation. Sa tâche est toute tracée : construire un édifice théorique apte à transformer le Nouveau Roman, au départ simple contiguïté de textes intuitivement ou empiriquement perçus comme concordants, en authentique collectivité textuelle. Ses deux premiers essais (Problèmes du Nouveau Roman en 1967 et Pour une théorie du Nouveau Roman en 1971) parent au plus pressé (la théorie doit être de combat, pour éclairer l'accueil critique et éviter les interprétations dénaturantes). Les acquis théoriques déjà existants sont synthétisés, les fictions des nouveaux romanciers commentées, des auteurs canoniques utilisés comme appuis (Poe, Borges et surtout Roussel et Valéry), les concepts fondamentaux mis en place.

Un colloque fameux organisé en 1971 à Cerisy permet à Ricardou de parachever rapidement son travail et d'assurer, dès 1973, la publication triomphaliste d'un petit manuel dense et définitif où le Nouveau Roman se voit doté d'une définition rigoureuse et organisé en système (Le Nouveau Roman). Y sont analysés les mécanismes diversifiés par lesquels celui-ci met en cause le récit (l'excès, la mise en abîme, la dégénérescence, l'avarie, la transmutation, l'enlisement) ; retracée sa lutte contre l'« illusion référentielle » (le roman n'est pas le substitut, l'image du réel, mais un système spécifique et autonome de signes) et contre le subjectivisme romantique (le roman n'est pas l'expression d'un individu ayant « quelque chose à dire » mais l'organisation d'une matière, la « production » et non la « représentation » d'un sens) ; soulignée son œuvre de critique idéologique.

Curieusement, cette manière d'apogée semble conduire par la suite Ricardou sinon à des impasses du moins à d'importants déplacements de perspective. Une rupture implicite avec les nouveaux romanciers (qui tendent à se détacher de ce qui est devenu à la longue chez Ricardou, au gré d'un militantisme marxiste un peu appuyé, une volonté trop forte de nivellement, de programmation, de dirigisme et qui cherchent, sans rompre avec un collectif, à souligner leurs spécificités d'écriture), le sentiment d'une tâche accomplie, la pleine consécration du Nouveau Roman, tout cela le mène désormais à des spéculations moins branchées sur l'actualité des textes. Faisant interférer ses acquisitions théoriques dans l'analyse d'œuvres consacrées, c'est à une lecture de Flaubert et de Proust qu'il nous convie dans Nouveaux Problèmes du roman (1978) : gros excès d'écriture où est cultivé un goût un[...]

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

Classification

Autres références

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