RIVIER JEAN (1896-1987)
Le compositeur français Jean Rivier a fait figure de continuateur dans le panorama de la création musicale du xxe siècle ; il s'est toujours efforcé de maintenir à leur plus haut niveau les qualités spécifiques de la musique française héritées de Roussel et d'Honegger, tout en admettant les influences de quelques courants marquants, comme ceux qui sont issus de Stravinski, de Prokofiev ou du jazz.
Né à Villemomble le 21 juillet 1896, Jean Rivier ne viendra à la musique qu'après la Première Guerre mondiale. Il s'engage en décembre 1914 et sera gazé à l'ypérite en août 1918. Après trois ans de repos, il entre au conservatoire de Paris où il est l'élève de Jean Gallon (harmonie), de Maurice Emmanuel (histoire de la musique) et de Georges Caussade (contrepoint et fugue, 1er prix en 1926). Il travaille en outre le piano avec Paul Braud et le violoncelle avec Paul Bazelaire. Dès le milieu des années1920, il commence à écrire ses premières œuvres : un premier Quatuor à cordes en 1924 (créé quatre ans plus tard), Chant funèbre pour orchestre que crée Albert Wolff à la tête des Concerts Pasdeloup et Rapsodie pour violoncelle et orchestre créée par Emanuel Feuermann aux Concerts Straram (1928). Rapidement, les plus grands interprètes s'intéressent à lui : Ouverture pour un Don Quichotte créée à New York par l'orchestre de Cleveland (1929), Ouverture pour une opérette imaginaire (Straram, 1931)... Président du Triton, l'une des sociétés de musique de chambre contemporaine les plus importantes de l'entre-deux-guerres, Rivier sera nommé professeur de composition au conservatoire de Paris en 1947, exerçant d'abord en alternance avec Darius Milhaud (un an sur deux, pendant que celui-ci enseignait aux États-Unis), puis seul entre 1962 et 1966. Il recevra le grand prix musical de la Ville de Paris en 1970, rare distinction accordée à un homme qui semblera de plus en plus ignoré des générations montantes, malgré une ouverture d'esprit et une curiosité qui faisaient toute la valeur de son enseignement. Il meurt à La Penne-sur-Huveaune (Bouche-du-Rhône), le 6 novembre 1987.
L'œuvre de Jean Rivier est celle d'un architecte adepte de la concision : fidèle aux formes, il se situe dans la lignée d'Albert Roussel et de Florent Schmitt, et son sens de l'expression le distingue de tout un courant avide de nouveauté purement intellectuelle. Jean Rivier parlait de sa « volonté de construction » et de son « horreur de la complication et du pathos. J'écris pour chaque œuvre, et inconsciemment, dans le langage qui paraît lui convenir ». Il en résulte donc une musique d'une étonnante diversité qui trouve son épanouissement dans les formes traditionnelles : huit symphonies qui s'échelonnent de 1932 à 1978 (la première créée par Pierre Monteux, la deuxième par Charles Münch et la quatrième par Roger Désormière), deux ouvertures, une émouvante page pour orchestre, Paysage pour une Jeanne d'Arc à Domrémy (1936), deux quatuors (1924 et 1940) et plus d'une dizaine de concertos pour divers instruments — piano (1940 et 1953), violon (1942), flûte (1955, écrit pour Jean-Pierre Rampal, comme la Sonatine pour flûte et piano), clarinette (1958), basson (1963), hautbois (1966), trompette (1970)... —, tous accompagnés, pour ceux qui sont postérieurs à 1953, par un simple orchestre à cordes. Ses pièces pour piano, Pointes sèches, Torrents, Tornades, Stridences, nous transportent dans un univers de soin et de concision qui frise la perfection. On retrouve ces qualités dans ses mélodies, pour lesquelles il choisit soigneusement les poètes mis en musique : Apollinaire (1925-1926), Ronsard et Marot (1944), René Chalupt (1952), Paul Gilson (1955).
L'œuvre de Rivier ne se découpe pas en différentes périodes comme celle de la plupart des compositeurs ; son[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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