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IPOUSTÉGUY JEAN-ROBERT (1920-2006)

Sculpteur français, né à Dun-sur-Meuse. Œuvre complexe et violente aux aspirations multiples et enchevêtrées, dominée par les mystères du sexe et de la mort, la sculpture de Jean-Robert Ipoustéguy est faite, selon les propos même du sculpteur « pour être appréciée à bout portant, le dos au mur, dans la plus stricte intimité, celle qui oblige par la force élémentaire de l'action offerte et par la brutalité du spectacle donné à un rappel à la conscience, aux contradictions, aux inquiétudes et jusqu'aux erreurs de l'homme moderne ». Peintre jusqu'en 1950, Ipoustéguy abandonne ce moyen d'expression parce qu'il n'a pas le sens de la couleur. S'il admire Picasso, Brancusi, Klee, Max Ernst, et s'il est encouragé par le sculpteur Henri-Georges Adam, il travaille et apprend seul, élaborant très vite une œuvre originale, plutôt abstraite à ses débuts, mais sans cesse dominée par la figure humaine, et dans laquelle on trouve déjà les composantes d'un art qui fera de lui un des sculpteurs les plus authentiques et les plus singuliers de sa génération. Explorant tous les matériaux suivant ses besoins les plus immédiats, le fer, le ciment, le plâtre, le bois, les terres, le bronze massif, sombre ou doré, les plastiques avec leur infinie variété de granulations, ou encore le marbre qu'il pratique en taille directe et dont il est devenu un technicien hors pair, c'est toujours avec un sens rare du geste lyrique et baroque qu'il confronte masses et plans, dans un souci d'ampleur monumentale et de volonté expressive évidente. Pétrissant, cassant, meurtrissant, disloquant, boursouflant, écartelant ses formes, ses figures, ses corps et ses volumes, le sculpteur oblige et contraint le spectateur à une lecture violente et parfois douloureuse du contenu mythique qu'il apporte à chacune de ses compositions et qui se situe en dehors de tout anecdotisme. Qu'il rende hommage à toutes les victimes de l'oppression humaine (Hommage à Mac Gee, 1950, une de ses premières œuvres sculptées), qu'il évoque la mort et l'angoisse métaphysique devant le néant et l'éternité (Roger ou le Peuple des morts, 1959), ou bien encore que ses corps, éventrés, déchirés, entrouverts et enlacés ne figurent que l'instant douloureux de la naissance, ou ne célèbrent que les mystères d'un érotisme sans cesse latent dans son œuvre (Les Amants, 1970, la série des fusains de 1978-1979 ou encore la série de bronzes intitulée Jeune Fille, présentée en 1990 à la galerie DM Sarver, Paris), c'est toujours à la même provocante méditation que le sculpteur nous convie. Et bien au-delà de simples compositions sculpturales, c'est à un véritable spectacle, sorte de mise en scène monumentale groupant un ensemble de personnages dans des jeux de lumière recherchés, comme dans L'Homme aux semelles devant (Arthur Rimbaud), place de l'Arsenal, Paris, 1984, qu'il invite la critique et le public à chacune de ses nouvelles expositions. « Ayez le courage de votre miroir », dit Ipoustéguy, et des œuvres aussi riches de symbolique universelle que le spectacle de la Mort du père (1968), à laquelle assiste le fils enfin libéré, la dure et lente Agonie de la mère (1970), que le Mangeur de gardien (1970) ou la Mort de l'évêque Neumann (1976) ne sauraient s'approcher ou se regarder sans un extrême malaise ; cette sculpture en marbre et bronze fut d'ailleurs refusée par la cathédrale de Philadelphie, commanditaire de l'œuvre (plusieurs commandes ont été ainsi refusées à Ipoustéguy). En 1995, le sculpteur a offert à sa ville natale cette œuvre, qui a été installée dans une église gothique. En effet, c'est avec une terrible et parfois insoutenable lucidité que l'artiste contraint le spectateur à plonger au-delà du visible dans les méandres de la mémoire, de la conscience et aussi[...]

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