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ROUCH JEAN (1917-2004)

Ingénieur, ethnographe et cinéaste, Jean Rouch est né à Paris. Il a commencé à se servir de la caméra pour témoigner de son expérience africaine. De cette première période témoignent de nombreux courts-métrages, dont Au pays des mages noirs (coréalisé avec Jean Sauvy et Pierre Ponty, 1946) et Les Fils de l'eau (1952, film constitué des courts-métrages réalisés entre 1949 et 1951). Peu à peu, grâce à son rayonnement personnel, à sa notoriété dans le monde discret des ethnologues, à son œuvre et à ses théories, formulées au fil de ses interventions et de son enseignement, il est devenu une référence dans le monde en effervescence du jeune cinéma français de la fin des années 1950. Grâce au producteur Pierre Braunberger, Les Maîtres-Fous (1954), son premier coup d'éclat, devenu un classique, a pu être diffusé en salle, non sans provoquer des réactions diverses de la part des Africains. Rouch a été alors connu comme Rouch l'Africain, sans perdre l'estime de ses pairs en accédant à la distribution commerciale, en particulier avec Moi un Noir (1958) qui marque une date par sa liberté de ton et sa confiance dans la parole de ses personnages, suivi par une autre expérience innovante, La Pyramide humaine (1959). Attentif aux progrès du matériel de terrain, aiguillonnant les techniciens pour qu'ils accroissent sa légèreté et perfectionnent l'enregistrement sonore, Jean Rouch fut le premier en France à appliquer dans un grand film, avec la précieuse collaboration du sociologue Edgar Morin et du réalisateur québécois Michel Brault, les méthodes d'investigation audiovisuelle. Ce fut Chronique d'un été (1960), qui souleva les passions, et fut au centre de la querelle du cinéma-vérité du début des années 1960. Entre l'Afrique (Monsieur Albert prophète, 1962 ; Rose et Landry, 1963 ; La Chasse au lion à l'arc, 1965 ; La Goumbé des jeunes noceurs, 1965 ; Jaguar, 1954-1967) et la France (La Punition, 1962 ; Gare du Nord, sketch de Paris vu par..., 1964), parfois soumise au regard de l'Afrique (Petit à petit, en deux versions, de 250 minutes et 96 minutes, 1967-1970) comme il avait soumis l'Afrique au regard de la France, Jean Rouch poursuivit une carrière à la fois scientifique et poétique, recherchant toutes les variations à l'aide d'une « caméra sans trépied », maniée par l'équipe la plus réduite possible, l'idéal étant pour lui d'opérer seul, sans cesser de rendre hommage aux Africains, dont l'humour (Cocorico ! M. Poulet, en collaboration avec Damouré et Lam, 1974) et la vision du monde (Dionysos, 1984) le fascinent. Habité par l'Afrique autant que par l'amour de la liberté, il aura tout essayé : le cinéma ethnographique au sens le plus orthodoxe, le psychodrame, la mise en scène, l'écriture libérée de toute contrainte. Il est, de tous les grands documentaristes, celui qui revendique le plus nettement la création spontanée, qui ne recourt pas aux conditions artificielles du tournage préparé. Si on a de la peine à le classer tant il est singulier, lui revendique le plus souvent comme maître Robert Flaherty, dont il partage le respect dû aux gens filmés et, simultanément, la conviction que le cinéaste est une sorte de prophète qui dégage le réel de sa gangue. Ses derniers films le montrent toujours attaché à son continent de prédilection : Madame l'eau, quête de ses amis de toujours au pays de l'eau, la Hollande (1993), pour apprendre comment lutter contre la sécheresse en Afrique ; Sigui synthèse, ou Commémoration de la parole et de la mort, synthèse de huit documents tournés de 1966 à 1973 sur les cérémonies du sigui chez les Dogons de la falaise de Bandiagara au Mali (coréalisé avec N.H.K., 1995) ; Moi fatigué debout, moi couché, encore et toujours avec les amis fidèles Damouré, Lam et Tallou[...]

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Écrit par

  • : écrivain et critique de cinéma, ancien chargé de cours à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot, docteur de troisième cycle, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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