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ROUSSET JEAN (1910-2002)

Grand professeur (il enseigna à l'université de Genève, sa ville natale, de 1953 à 1976), Jean Rousset garde son nom avant tout attaché, avec raison mais non sans une part d'ambiguïté, à un sujet – le baroque – et à une méthode, nommée critique thématique, critique de la conscience, ou encore critique des profondeurs.

C'est en 1953 que Jean Rousset fait paraître sa thèse, sous le titre La Littérature à l'âge baroque en France. Cet ouvrage capital connaît un retentissement considérable. Reprenant notamment les études du critique et historien d'art Heinrich Wölfin en les appliquant à la littérature française entre 1580 et 1670, l'auteur y fonde la notion de baroque littéraire, dont il définit les deux principes esthétiques fondamentaux : la métamorphose (Circé) et l'ostentation (le paon). Rousset reviendra au moins à deux reprises explicitement sur cette question : en 1968, dans L'Intérieur et l'Extérieur. Essais sur la poésie et le théâtre au XVIIe siècle, et en 1998, pour son Dernier Regard sur le baroque. Il fit paraître également, en 1971, une Anthologie de la poésie baroque. Et dans des ouvrages comme Narcisse romancier (1973) ou Le Mythe de don Juan (1978), il ne quitte qu'apparemment son sujet de prédilection, dont il retrouve, à travers les thèmes du miroir ou du mouvement, les grandes problématiques.

Pour autant, Rousset ne limite nullement son champ d'investigation à la poésie et au théâtre français du xviie siècle. C'est ainsi qu'on lui doit des études pénétrantes sur Laclos, Flaubert, Proust, Claudel (Forme et signification, 1962), Marivaux, Robbe-Grillet (Narcisse romancier, 1973), Chrétien de Troyes, Rabelais, Goethe, Breton (Leurs yeux se rencontrèrent, 1981), Balzac, Amiel, Gide (Le Lecteur intime, 1986), Stendhal, Claude Simon (Passages, 1990).

De tels choix, apparemment éclectiques, répondent également à des orientations d'ordre théorique et méthodologique, dessinant un itinéraire qu'il convient de replacer dans le contexte intellectuel des années 1960 et 1970. On sait que, au sein de la « nouvelle critique » qui se développa alors, deux voies s'offrent : d'un côté, un structuralisme résolument formaliste (Barthes, Todorov, Greimas, Genette...) ; de l'autre, une approche « thématique » ou « de contenu », illustrée par l'école de Genève, avec Marcel Raymond (qui fut le maître de Rousset), Albert Béguin, Georges Poulet, Jean Starobinski, auxquels on peut associer Jean-Pierre Richard. Aujourd'hui, avec le recul, il apparaît que le clivage entre les deux tendances n'était pas aussi radical. Et Jean Rousset fut sans aucun doute celui qui alla le plus loin dans le sens d'une synthèse. Dans Forme et signification, il assigne à la critique l'objectif de « saisir des significations à travers des formes, dégager des ordonnances et des présentations révélatrices, déceler dans les textures littéraires ces nœuds, ces figures, ces reliefs inédits qui signalent l'opération simultanée d'une expérience vécue et d'une mise en œuvre ». Par la suite, attiré par le point de vue « formaliste », on le verra s'intéresser de plus en plus au roman, en mettre au jour certains motifs récurrents (les conventions de la scène de première rencontre dans Leurs yeux se rencontrèrent), et parcourir à son tour les territoires de la narratologie (les avatars du « je » dans Narcisse romancier. Essai sur la première personne dans le roman), de l'esthétique de la réception et de l'étude des genres (l'inscription du destinataire au cœur du récit et le journal intime dans Le Lecteur intime), ou encore de la « transtextualité » (les jeux entre texte et image dans Passages). Au cœur de cette diversité, toujours le même projet : faire émerger « une ligne de forces, une[...]

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  • BAROQUE

    • Écrit par , et
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    ...avec les caractéristiques formelles d'écriture. Parallèlement V. L. Tapié formulait les caractéristiques d'un baroque historique. Le livre fondamental de Jean Rousset, La Littérature de l'âge baroque en France : Circé et le Paon (1954), et l'Anthologie de la poésie baroque, qui a suivi, marquent...
  • CRITIQUE LITTÉRAIRE

    • Écrit par et
    • 12 918 mots
    • 4 médias
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  • JOURNAL INTIME, notion de

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    Sans que l'on puisse parler de « journaux », Michel...

  • MARIVAUX PIERRE CARLET DE CHAMBLAIN DE (1688-1763)

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    ...qu’indulgents. Le roman à la première personne est ici à l’honneur et la dimension rétrospective permet de jouer de ce « double registre » évoqué par Jean Rousset dans un essai sur Marivaux. L’acidité des analyses psychologiques et des critiques morales est balancée partout par la générosité et l’humour...