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ROUXEL JEAN (1935-1998)

Professeur à l'université de Nantes, Jean Rouxel fut l'un des fondateurs de la chimie du solide française, qui de l'avis même de la communauté scientifique internationale est devenue l'une des disciplines d'excellence de la France.

Jean Rouxel est né le 24 février 1935 à Malestroit dans le Morbihan. Après ses études secondaires à Landerneau et à Brest, il entre à la faculté des sciences de Rennes où il rencontre le professeur Paul Hagenmuller qui lui fait découvrir la chimie du solide. Il le suit à Bordeaux où il passe sa thèse en 1961. En 1963, il est nommé professeur à l'université de Nantes. Il y fera toute sa carrière en créant un laboratoire de chimie du solide qui deviendra l'Institut des matériaux de Nantes (I.M.N.), regroupant aujourd'hui près de deux cents chimistes et physiciens.

Membre de l'Académie des sciences, puis de l'Institut universitaire de France, il a été élu en 1996 au Collège de France, où il n'a malheureusement pu dispenser ses cours qu'une seule année. Il a reçu les plus hautes distinctions nationales et, en particulier, la médaille d'or du C.N.R.S., qui lui a été attribuée en 1997. Scientifique reconnu à l'étranger, il a été plus de cent fois invité à présenter des conférences plénières dans les grands congrès internationaux.

Jean Rouxel a occupé l'un des tout premiers rangs dans le développement de la chimie du solide. C'est pourquoi décrire la carrière scientifique de Rouxel revient à retracer l'histoire de cette discipline. Il a surtout étudié les chalcogénures (sulfures, séléniures, tellurures), composés qui forment souvent des solides de basse dimensionnalité auxquels J. Rouxel a consacré la plus grande partie de son œuvre. Dans ces solides, l'anisotropie du lien chimique conduit à une anisotropie des propriétés qui se manifeste souvent par un aspect fibreux ou lamellaire.

Ces solides présentent une réactivité chimique tout à fait exceptionnelle. Les feuillets, ou fibres, peuvent s'écarter pour laisser la place à d'autres ions ou molécules. De là est née toute une chimie douce d'intercalation qui conduit à des matériaux hybrides organo-minéraux, dans lesquels des feuillets minéraux sont liés par des piliers organiques. Des applications nouvelles en ont résulté dans des domaines aussi importants que la catalyse ou le stockage de l'énergie. L'avenir de la voiture électrique sera une conséquence de la chimie d'intercalation.

Réciproquement, on peut imaginer qu'en retirant l'ion A+ d'un réseau ternaire AxMySz, on pourra former MySz. C'est en développant cette idée que Jean Rouxel a pu synthétiser des composés inconnus tels que VS2 ou certaines formes cristallines de FeS2.

L'anisotropie du lien chimique s'accompagne d'une anisotropie des propriétés physiques, qui entraîne des comportements inattendus. Des propriétés nouvelles apparaissent qui font la richesse des solides à basse dimensionnalité. C'est ainsi que Jean Rouxel a développé toute une cristallochimie des systèmes incommensurables dans lesquels les périodicités des sous-réseaux ne sont pas dans des rapports simples. Les propriétés ne se reproduisent à l'identique en aucun point du réseau et la maille est théoriquement infinie. Des phénomènes nouveaux, tels que les ondes de densité de charge, ont été découverts sur les composés NbSe2 (2D) et NbSe3 (1D), synthétisés à Nantes. C'est en étroite collaboration avec les physiciens du solide que Jean Rouxel a pu développer ce nouveau domaine. On retrouve ici un trait de son caractère qui lui permet de renverser les barrières académiques tout en conservant son originalité de chimiste.

Jean Rouxel a fortement contribué à la création de nouveaux concepts. C'est en développant ses idées sur la liaison chimique qu'il[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie

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