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SECOND JEAN (1511-1536)

Né à La Haye, ce grand poète néo-latin — de son vrai nom Jean Everaerts — est européen par ses voyages, dont ses propres relations nous transmettent l'itinéraire daté. Sa première jeunesse a pour cadre Malines, mais dès 1532 il va passer un an à Bourges pour étudier le droit auprès d'Alciat. En 1534, il repart pour l'Espagne et devient secrétaire de l'archevêque de Tolède. Le voici célèbre en quelques mois, grâce à son talent poétique, et Charles Quint le remarque. Cependant, la maladie — une forme de consomption ? — lui interdit de suivre l'empereur dans son expédition à Tunis. Second regagne Malines, devient secrétaire de l'archevêque d'Utrecht. La mort le touche « au milieu de son printemps » : il n'avait pas vingt-cinq ans. Ses œuvres paraissent dans des éditions posthumes, les Baisers (Basia) en 1539, et les œuvres complètes (Opera) en 1541.

Second est surtout le poète des baisers. Dans Basia, ce petit recueil de dix-neuf pièces, qui a valu à son auteur un succès quelque peu scandaleux, les jeux du poète et de Néère sont « variés sur des modes divers », de la caresse à la violence. L'œuvre a plu d'abord par son indiscrétion dans les scènes d'amour ou dans l'évocation des beautés de Néère. Cependant, ce long corps à corps révèle aussi une sensualité déçue, parfois réduite à l'imaginaire, ainsi que l'aspect pathologique de la passion. Reproches et prières disent que l'amour est souffrance. L'angoisse de la jalousie, l'alternance de l'espoir et de la rancœur sont traduits par la composition de chaque pièce, tout en revirements, et par le recours fiévreux à la rhétorique : l'apostrophe, l'interrogation, le souhait animent le dialogue entre le poète et l'amante rebelle. L'appel au plaisir est repris en mineur par l'évocation élégiaque du paradis amoureux où ils pourraient se retrouver après la mort. Cette note de tristesse dans l'érotisme est maniériste, tout comme le goût du détour stylistique — périphrase, allusion mythologique, métaphore —, qui suggère la singularité de l'amour. Rien ne peut être dit qu'indirectement, et même le plaisir. Ces recherches contrebalancent la force concrète et hyperbolique du vocabulaire de la sensation. À cette subtilité contribuent également la diversité métrique et les combinaisons de strophes.

Les trois livres d'Élégies constituent un diptyque où se complètent deux visages de l'amour. Le premier livre est consacré à Julia, cette jeune fille de Malines dont le poète s'éprit en 1533 à son retour de France. Sa passion a l'exigence des amours juvéniles, et Julia est sa « lumière ». Quant à l'Espagnole Néère, héroïne du livre II, c'est une courtisane dont Second détaille complaisamment jusqu'à la peau, d'un grain inimitable. Vénale, menteuse, elle lui échappe. Deux images, l'une idéale et l'autre réelle, mais toutes deux inaccessibles à des titres divers. L'élégie devient ainsi un discours de l'inutilité d'aimer.

L'actualité sollicite également Second, qui compose des poèmes sur la prise de Cambrai, sur l'exécution de Thomas More ou sur le couronnement de Charles Quint. Les Odes unissent le registre de l'éloge et des variations horatiennes sur des thèmes épicuriens, l'amitié ou la fuite des heures.

Largement imité par la Pléiade et par des poètes néo-latins, par exemple Marc-Antoine de Muret, loué par Ronsard, Second est traité jusqu'à nos jours comme un classique. C'est à travers son œuvre que de nombreux poètes ont emprunté à ces élégiaques latins auxquels lui-même devait tant. Ses vers imposent le choc d'un tempérament, que l'omniprésence du moi dans ses poèmes manifeste encore au lecteur moderne.

— Françoise[...]

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