Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SEZNEC JEAN (1905-1983)

Article modifié le

Le professeur Jean Seznec, mort à Oxford en novembre 1983, a mené presque toute sa carrière à l'étranger. L'université Harvard lui avait proposé un poste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, mais il fut mobilisé en septembre 1939 comme lieutenant de chasseurs alpins et ce n'est qu'en 1941 qu'il rejoignit Harvard. En 1949, il était président du département des langues et littératures romanes ; de 1950 à 1970 il détint, à Oxford, la chaire de littérature française (chaire « Maréchal Foch »). Après sa retraite, au grand plaisir de leurs nombreux amis oxoniens, lui et Mme Seznec ont décidé de rester à Oxford.

Il fit des conférences dans maintes universités américaines et anglaises, mais aussi en Allemagne, en Pologne et au Japon, et devint membre de deux académies américaines ainsi que de la British Academy et « fellow » du College All Souls. Officier de la Légion d'honneur en 1967, il reçut le prix du Rayonnement français en 1972 et fut promu commandeur de l'Ordre national du mérite en 1973.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Bien qu'il se sentît parfaitement chez lui aux États-Unis et en Angleterre, il resta toujours fidèlement attaché à la France et à la Bretagne : il était né à Morlaix, de parents instituteurs de souche paysanne. Son identification à la Bretagne est manifeste dans un texte de 1978 où il écrit, à propos de Renan : « Telle est la Bretagne, et Renan est resté – incurablement – breton [...], il invoque ses propres ancêtres dont il a hérité ce trait essentiel, caractéristique des races celtiques : l'idéalisme. » Dans sa leçon inaugurale à Oxford, il choisit de mettre ce trait en lumière, déclarant que ce qu'il cherchait dans l'œuvre d'un grand écrivain c'était « un homme vivant, aux prises avec une tâche sublime, fixant l'instable, aspirant à la perfection éternelle, atteignant enfin le seuil où tous les conflits et toutes les discordes se résolvent en sérénité ».

Déjà, à l'École normale supérieure – où il eut pour camarades Sartre, Raymond Aron et Nizan –, il avait entrepris d'étudier le lien entre la littérature et les arts plastiques – vocation confirmée par l'influence d'Émile Mâle qu'il considérait comme son maître et vénérait. Lui-même était un excellent portraitiste.

Sa première œuvre majeure, La Survivance des dieux antiques, fut imprimée à Gap en 1939 mais publiée seulement après la Libération, à Londres. Elle reçut le prix Fould en 1948. Plusieurs éditions d'une traduction anglaise, The Survival of the Pagan Gods, parurent aux États-Unis entre 1953 et 1978, et une édition remaniée de l'édition originale, enrichie d'illustrations, a été publiée par Flammarion en 1978 puis en 1980. Le livre cherche à montrer comment, dans la tradition des arts plastiques et de la littérature, en grande partie sous l'influence d'éléments arabes, anglais, allemands ou issus de la France du Nord, les dieux païens ont survécu tout au long du Moyen Âge, tantôt considérés comme la déification de personnages historiques, tantôt présents dans l'astrologie ou par le biais de l'allégorie, pour être enfin revêtus de leur forme classique par l'art et par la littérature de la Renaissance. Lucien Febvre, dans les Annales (1956), a décrit cet ouvrage comme « un livre neuf, original et fécond [...], un grand livre plein de substance et de savoir, plein de sève également et de largeur d'esprit, qui doit être intégré dans notre bagage quotidien d'information et de méditation ». Seznec l'a résumé pour l'article « Moyen Âge et Renaissance » du Dictionnaire des mythologies, publié aux éditions Flammarion en 1981.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Son édition des Salons de Diderot – avec la collaboration de J. Adhémar pour trois des quatre volumes – est de la plus haute importance. Elle présente un texte authentique accompagné de commentaires succincts qui constituent une immense masse de documents et réalise le rêve de Diderot : que ses Salons fussent accompagnés des illustrations représentant les œuvres qu'il décrivait. Seznec eut toujours une intuition remarquable dans la chasse aux tableaux et aux gravures qu'il mena à travers l'Europe et l'Amérique. Trois volumes d'une édition révisée (en collaboration avec J. Adhémar pour le seul volume I) ont paru entre 1975 et 1983. Parmi les autres livres de Seznec mentionnons les Nouvelles Études sur la tentation de saint Antoine, John Martin en France et les Essais sur Diderot et l'Antiquité, tous trois imprimés et publiés, comme les Salons, en Angleterre. Les Essais sur Diderot jettent une lumière entièrement neuve sur les implications littéraires, esthétiques et sociales du néoclassicisme.

Dans un article de 1971, « Art et littérature : plaidoyer pour l'humilité », il souligne la nécessité d'études accumulant les faits en vue d'établir quelles influences, dans les arts plastiques, ont présidé à la genèse des œuvres littéraires ; inversement, quelles sources littéraires les peintres utilisaient ; enfin comment des textes inspirés par des œuvres graphiques ont en retour inspiré les artistes. De telles études, plaidait-il, pouvaient approfondir notre compréhension du processus de création. Il refusait les synthèses faciles, mais lui-même jeta, dans plus de soixante-dix articles, les bases d'une synthèse consacrée largement – mais non exclusivement – à de tels sujets. Ses derniers articles furent publiés en 1980 et 1982. Son livre sur l'Égypte dans l'art et la littérature du xixe siècle est resté inachevé, mais ceux qui ont entendu Jean Seznec à Oxford se souviennent de ses conférences sur le thème de l'Égypte dans la littérature romantique ou, par exemple, sur les poses « égyptiennes » dans les nus de Gauguin.

— Richard FARGHER

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Voir aussi