SIMMONS JEAN (1929-2010)
Dotée d'une silhouette gracieuse et d'un visage d'une rare beauté, aux traits bien dessinés, au sourire éclatant et au regard intense, Jean Simmons possédait en outre un charme indéfini, mélange d'innocence et de maturité, de retenue et de sensualité. Sa présence dans un film suffisait à illuminer l'écran. Mais, alors qu'elle était capable de conférer flou et ambiguïté à des personnages complexes, cette comédienne exceptionnelle, au jeu d'une extrême précision et d'une rare subtilité, ne fut le plus souvent utilisée que pour sa douceur et sa fragilité apparentes, son élégance aristocratique naturelle.
Jean Merilyn Simmons est née à Londres le 31 janvier 1929. Comme elle fait sa scolarité à l'Ada Foster School, où les gens de cinéma ont l'habitude de recruter des enfants et des adolescents, elle débute à l'écran, en 1944, dans Give Us the Moon de Val Guest. Après être apparue dans une demi-douzaine de films, elle est prise sous contrat par J. Arthur Rank. En deux ans, de 1946 à 1948, elle s'affirme avec The Great Expectations (Les Grandes Espérances) de David Lean (1946), Black Narcissus (Le Narcisse noir) de Michael Powell (1947), dans lequel sa beauté éclate, et Hamlet de Laurence Olivier (1948), où sa prestation dans Ophélie lui vaut un prix d'interprétation à Venise et une citation pour l'oscar pour la meilleure actrice dans un second rôle. Malheureusement, les films dans lesquels elle tourne ensuite ne rendent pas justice à son talent.
En 1951, comme Rank s'inquiète de son image auprès du public après son mariage avec Stewart Granger, qui a divorcé de sa première femme pour l'épouser, la firme laisse partir Jean Simmons à Hollywood, où son mari est lui-même appelé, pour jouer dans Androcles and the Lion sous la direction de Gabriel Pascal. Le tournage reporté, Rank profite de l'occasion pour revendre le contrat de l'actrice à R.K.O. au grand dam de Stewart Granger qui, ayant signé avec M.G.M., espérait qu'elle l'y rejoindrait. Cependant, R.K.O. lui offre un de ses plus beaux rôles, celui de la jeune psychopathe meurtrière d'Angel Face (Un si doux visage) d'Otto Preminger (1952).
L'année suivante, Jean Simmons passe chez M.G.M. où elle débute dans Young Bess (La Reine vierge) de George Sidney, somptueux drame historique sur Élisabeth Ire qui inaugure le type de personnage auquel elle sera condamnée au cours de la décennie : que ce soit chez M.G.M., R.K.O. ou 20th Century Fox, on lui fera interpréter une jeune fille ou une jeune femme pure, digne et volontaire, et fidèle en amour ; ainsi, la chrétienne de The Robe (La Tunique) de Henry Koster (1953), la serveuse de The Egyptian (L'Égyptien) de Michael Curtiz (1954), l'aimée de Napoléon de Désirée de Henry Koster (1954), la salutiste de Guys and Dolls (Blanches Colombes et vilains messieurs) de Joseph L. Mankiewicz (1955), l'institutrice de The Big Country (Les Grands Espaces) de William Wyler (1958) et l'esclave de Spartacus de Stanley Kubrick (1960). Seules exceptions notables : une servante retorse dans Footsteps in the Fog (Des pas dans le brouillard) d'Arthur Lubin (1955) et, surtout, la prédicatrice, a priori proche de « son » personnage, de Elmer Gantry (Elmer Gantry, le charlatan) de Richard Brooks (1960), où « elle passait, écrivent Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier (in Trente Ans de cinéma américain, CIB, 1969), avec un brio stupéfiant de la malice à la colère, de la volonté au désarroi, du lyrisme à la sécheresse ».
Cette éblouissante interprétation, qui ne lui valut même pas d'être nommée pour l'oscar, ne changea rien à l'image qu'avaient d'elle les gens de cinéma. Si bien que lorsqu'elle interpréta le rôle d'une veuve qui s'enivre, dans Rough Night in Jericho (Violence[...]
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Écrit par
- Alain GAREL : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma
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