STOETZEL JEAN (1910-1987)
De famille lorraine et alsacienne, normalien, agrégé de philosophie, Jean Stoetzel est né à Saint-Dié le 23 avril 1910. Après un détachement à l'université Columbia à New York et une guerre menée comme officier de liaison auprès de l'armée britannique, il enseigne dans le secondaire, puis, après son doctorat obtenu en 1943, dans le supérieur, successivement à Bordeaux, où il occupe la chaire de sciences sociales, et à la Sorbonne, de 1955 à 1978, où il devient titulaire de la première chaire française de psychologie sociale. Élu en 1977 à l'Académie des sciences morales et politiques, il meurt à Paris le 21 février 1987.
S'inspirant de recherches américaines antérieures, il est l'instigateur en France d'une discipline nouvelle, au confluent de la psychologie et de la sociologie, la psychologie sociale. Il en définit le domaine propre et met en lumière la notion fondamentale d'« attitude ». À la source des comportements individuels, considérés isolément ou en masse, l'observateur aperçoit une représentation du monde, des valeurs, qui disposent chacun à réagir aux événements d'une manière déterminée, et constituent des « attitudes ». Non nécessairement conscientes, celles-ci s'expriment sous forme verbale dans les opinions formulées au gré des circonstances. Or, conséquence méthodologique essentielle, les opinions sont mesurables, ce qui permet de construire des échelles sur lesquelles les sujets sont situés les uns par rapport aux autres. La mesure peut être étendue de petits groupes à des collectivités entières, comme des nations, en recourant à la méthode représentative.
Les opinions ne peuvent être saisies hors des individus qui les formulent. Elles reflètent la personne elle-même, non pas isolée, atome suspendu dans le vide, mais membre du corps social, auquel la rattache tout un réseau d'appartenances, âge ou sexe, milieu professionnel, confession religieuse par exemple. La personne et la manière dont elle est perçue au-cours du temps dans les diverses sociétés sont au cœur de la psychologie sociale, qui revêt ainsi une dimension ethnologique et historique. La communication s'établit par les relations entre personnes, et ainsi peut naître une opinion publique, non pas somme mais cristallisation des opinions individuelles. La forme de leur distribution permet d'identifier la présence ou non d'une opinion publique, son sens, son intensité, à un moment donné, dans un contexte donné. L'introduction de la rigueur statistique vise à « remplacer le profond par l'explicite, le confus par l'analyse, le substantiel par l'opérationnel ».
Telle est l'intention qui préside à l'œuvre scientifique de Stoetzel, présentée dans de nombreux articles, et dans deux contributions majeures, Théorie des opinions, accompagnée de L'Étude expérimentale des opinions (1943), et La Psychologie sociale (1963). Ce dernier livre, ni traité, ni manuel, mais instrument de réflexion sur la nature des problèmes posés par cette science et la manière dont elle les aborde, demeure toujours actuel, parce qu'il se place hors de l'actualité du moment.
De nombreux phénomènes relèvent des méthodes d'investigation de la psychologie sociale, qui en permet une analyse objective et une meilleure compréhension. Stoetzel en a étudié plusieurs dans des cours dont les principaux éléments ont été recueillis dans le Bulletin de psychologie : applications par exemple à la mode et au vêtement, aux âges, à la consommation, aux comportements électoraux. Il a envisagé sous cet angle les problèmes de l'information, dans L'Opinion publique et la presse (1947), et montré-comment la presse, à côté de sa fonction centrale, en assume d'autres, de récréation ou de distraction, exerçant par là même une action psychothérapique, mais aussi[...]
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Écrit par
- Alain GIRARD : professeur honoraire à l'université René-Descartes-Sorbonne, conseiller scientifique à l'Institut national d'études démographiques
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