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DESANTI JEAN-TOUSSAINT (1914-2002)

Né à Ajaccio, nourri de grec, de latin et de mathématiques, Jean-Toussaint Desanti ne balancera pas longtemps entre philosophie et mathématiques : la lecture de l'Éthique de Spinoza qui se présente de l'extérieur more geometrico, avec son appareil de définitions, d'axiomes et de théorèmes, le laisse sans voix. Il entre en 1935 à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. Maurice Merleau-Ponty lui fait découvrir la phénoménologie, qui demeurera essentielle pour lui, même si, dans l'Introduction à la phénoménologie (1976), lecture critique des Méditations cartésiennes de Husserl, il dénoncera par la suite la fiction spéculative d'un « moi pur » qui serait au fondement d'une « philosophie première ». Proche de Jean Cavaillès dont l'épistémologie des mathématiques représente à ses yeux la sérénité par opposition au tumulte des idées philosophiques, Desanti tient qu'une philosophie de la conscience ne saurait à elle seule produire une théorie scientifique. Il consacrera dès lors ses efforts à fonder une épistémologie non husserlienne, sans abandonner pour autant l'usage de la phénoménologie.

Dans Paris occupé, il passe l'agrégation avec Maurice Clavel. Du dialogue qu'avaient noué les deux amis, aux convictions si opposées, naîtra bien plus tard Un destin philosophique (1982). Dès 1940, celui qu'on surnomme « Touki », fait l'apprentissage de la pratique militante, rédigeant et distribuant Sous la Botte puis Socialisme et Liberté dont Merleau-Ponty était devenu le rédacteur. Juillet 1942 : des enfants juifs assis sur leurs valises au commissariat du Panthéon, voilà le « signal » qui décide de sa position : toute philosophie exige d'être dépassée vers la praxis, le philosophe doit intervenir à l'intersection du savoir et du pouvoir. En 1943, il adhère au Parti communiste et souscrit pleinement, dans l'après-guerre, à la fonction de pédagogue qui lui est impartie : « faire penser ce qui convient ». Vint le moment de réexaminer ses positions politiques. Au lendemain du xxe congrès, en 1956, qui voit Khrouchtchev mettre en cause le despotisme stalinien, « le cœur n'y était plus » ; mais, même s'il lui faudra plusieurs années pour rompre officiellement, Desanti précise que « cette révision n'eut rien de déchirant ».

À partir de 1958, Desanti, après avoir enseigné au lycée Lakanal, prépare à l'agrégation de philosophie les étudiants de l'École normale supérieure de Saint-Cloud. Il sera ensuite nommé professeur à la Sorbonne. En 1968, il a soutenu et publié sa thèse, Les Idéalités mathématiques. Recherches épistémologiques sur le développement de la théorie des fonctions de variables réelles : « J'ai proposé sans ironie le titre les Idéalités mathématiques. J'avais mis entre parenthèses cela que je tenais pour mes convictions „matérialistes“. » Les dernières lignes de l'ouvrage esquissent un programme philosophique qui se laisse résumer dans le concept de temporalité, indissociable de celui d'histoire : l'expérience du temps interne est d'une autre teneur que l'expérience des modalités d'effectuation des connexions d'objets idéaux (propositions, états de chose...).

Parallèlement à une œuvre dense et souvent technique, qui fait dialoguer avec acuité sciences et philosophie, Jean-Toussaint Desanti s'est exprimé dans un grand nombre de volumes d'entretiens, qui permettent de mieux saisir l'originalité de son cheminement, ses illuminations et ses errements (Le Philosophe et les pouvoirs, 1976 ; Un destin philosophique, Réflexions sur le temps, 1992 ; Philosophie : un rêve de flambeur, 1999 ; La liberté nous aime encore, avec Dominique Desanti, 2001).

— Sylvie COURTINE-DENAMY

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  • PHÉNOMÉNOLOGIE, mathématique

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    ...L'école française fut représentée essentiellement par Albert Lautman (1908-1944) et Jean Cavaillès (1903-1944) dans le « moment 1940 », puis par Jean-Toussaint Desanti (1914-2002) dans ce qu'on peut appeler le « moment 1968 ». Tous ont repris l'idée du caractère intentionnel de l'objet, qui répond...