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VILAR JEAN (1912-1971)

Un théâtre populaire

Sous la tutelle de Vilar, l'identité du T.N.P. se forge aussi dans l'affirmation d'une expression théâtrale qui bannit l'illusion dans une représentation libérée d'artifices. Avec l'aide du décorateur Léon Gischia naît une esthétique nouvelle dont le dépouillement est propice à la rencontre des acteurs et d'un texte à même de « faire comprendre l'œuvre du poète ». Cela passe par la priorité accordée au jeu du comédien, libre, généreux et débarrassé de scories d'interprétation. Interprète lui-même avec bonheur de nombreux spectacles, Vilar s'entoure d'une troupe fluctuante au fil des années qui réunit des jeunes talents animés par un même engagement théâtral. Gérard Philipe, Maria Casarès, Michel Bouquet, Jeanne Moreau, Daniel Sorano, Charles Denner, Alain Cuny, Philippe Noiret, Christiane Minnazoli, Sylvia Monfort, autant de comédiens qui contribuèrent à la renommée du T.N.P. Celui-ci devient emblématique du renouveau du théâtre français et son audience – à travers de nombreuses tournées internationales – dépasse nos frontières. À Chaillot, Vilar, aidé par son administrateur Jean Rouvet, initie une politique culturelle novatrice en direction d'un public populaire : prix des places peu élevé, mode de réservation allégé, horaires adaptés, réseaux de communication avec les comités d'entreprise et les étudiants, création d'une association « Les Amis du théâtre populaire » et de la revue Bref. Autant de dispositions qui attirent et fidélisent plus de cinq millions de spectateurs qui, entre 1951 et 1963, assistent aux trois mille trois cents représentations du T.N.P.

Le mandat de Jean Vilar s'achève le 31 août 1963. Dans les années qui suivent, il monte plusieurs opéras en Italie et André Malraux lui confie des études sur les théâtres lyriques. En parallèle, il réalise au théâtre Un banquier sans visage de W. Weideli à Genève (1964), Le Dossier Oppenheimer, d'après les minutes du procès (1964), Le Hasard au coin du feu de Crébillon fils (1965), puis L'Avare et Le Triomphe de l'amour au festival du Marais (1966).

Durant sa direction du T.N.P., Vilar instaure une fusion féconde avec le festival d'Avignon dont il a également la charge. Les deux structures sont intimement associées dans l'expression d'un théâtre populaire, tant dans sa forme artistique que dans sa relation avec le public. Après le temps héroïque des premières éditions vient celui des temps forts qui forge la réputation et la légende du festival. Les grandes créations de la troupe du T.N.P. illuminent la cour d'honneur du palais des Papes et réunissent un public qui ne cesse de grandir. Vilar conjugue son souhait de « faire d'Avignon, à l'heure du festival, un lieu privilégié de loisir populaire et de la réflexion » avec la nécessité de « faire pour son époque le théâtre de son temps ». Le 31 juillet 1963, Jean Vilar salue une dernière fois le public d'Avignon à l'issue de la représentation de Thomas More, de Robert Bolt, dont il est régisseur et interprète. Dans les années qui suivent, il procède aux mutations rendues nécessaires par l'évolution du festival. À partir de 1966, il convie la danse avec les ballets de Maurice Béjart, invite de nouveaux metteurs en scène, Roger Planchon, Jorge Lavelli, Antoine Bourseiller, Ariane Mnouchkine..., et met en place une programmation d'œuvres cinématographiques et musicales. Des orientations qui seront reprises et poursuivies par la suite. Durant ces dernières années, alors que Vilar s'engage sur la réorganisation et la réforme du festival, il subit une violente contestation lors de l'édition de 1968, entretenue notamment par la position ambiguë du Living Theatre qu'il avait invité. Il sort meurtri et épuisé de ces[...]

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Média

Jean Vilar, 1961 - crédits : Keystone-France\Gamma-Rapho/ Getty Images

Jean Vilar, 1961

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