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YANNE JEAN (1933-2003)

Jean Yanne – de son vrai nom Jean Gouyé – est né à Paris en 1933. Journaliste, puis animateur à Radio-Luxembourg et Europe 1, notamment avec Jacques Martin, il débute au cinéma, en 1963, dans La Femme spectacle de Claude Lelouch, film qui fut interdit par la censure. Alain Jessua lui confie un rôle l'année suivante, dans La Vie à l'envers. Jean Yanne va alors devenir un de ces acteurs de composition capables de détourner les dialogues à leur profit, ou de triompher des situations les plus « hénaurmes », où le quotidien tourne soudain au grotesque ou à l'épique. Avec désinvolture et une présence physique « à l'américaine », il tourne avec Jean-Luc Godard dans Week-end (1967), où il pousse à l'extrême son personnage de râleur, sur fond de modernité apocalyptique. Il noue une grande complicité avec Claude Chabrol, réalisateur auquel il devra deux de ses plus fortes interprétations : Que la bête meure (1969), et Le Boucher (1970). Acteur désormais consacré, il interprète avec Marlène Jobert Nous ne vieillirons pas ensemble (1972), œuvre autobiographique de Maurice Pialat, où l'affrontement conjugal est porté à son paroxysme. Le rôle lui vaut le prix d'interprétation masculine au festival de Cannes.

La même année, Jean Yanne passe à la réalisation avec Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, satire des médias. Avec les mêmes interprètes (Daniel Prévost, Bernard Blier), il réalise ensuite Moi y'en a vouloir des sous (1973), comédie tout aussi loufoque. Suivront, dans le même registre, Les Chinois à Paris, Chobizenesse (1975), et Je te tiens, tu me tiens par la barbichette en 1978. Ces films vont lui permettre de devenir un producteur avisé – celui de Robert Bresson –, avec, notamment, Lancelot du Lac (1974).

Dans les années 1980, Jean Yanne conçoit des fantaisies historiques où son goût du pastiche et de la satire se donne libre cours : Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ (1982), puis Liberté, égalité, choucroute (1983), évocation en roue libre de la Révolution française, où il interprète le rôle de Marat, et Ursula Andress celui de Marie-Antoinette.

Parallèlement, il poursuit sa carrière d'acteur dans les films les plus divers, comme Le Paltoquet, de Michel Deville (1986) ou Merci la vie, de Bertrand Blier (1991). Il retrouve Chabrol en 1990 dans Madame Bovary, où il campe un très crédible M. Homais, qui soutient la comparaison avec l'interprétation qu'en donne Max Dearly dans l'adaptation de Jean Renoir. Jean Yanne obtiendra également une nomination pour Indochine de Régis Warnier (1991). Parmi ses rôles récents les plus marquants, on peut citer Hygiène de l'assassin (1998), Je règle mon pas sur le pas de mon père de Rémi Waterhouse (1998), où il tient le rôle principal, et Adolphe de Benoît Jacquot (2002), avec une approche très personnelle du rôle à costumes. S'il tourne beaucoup, et dans des films de qualité et de style très différents, on retrouve à chaque fois le même souci d'hyperréalisme, qui insiste sur la frontière ténue entre le Bien et le Mal. Sa veine satirique s'exprime également dans des recueils d'aphorismes aux titres provocateurs : Je suis un être exquis, ou Dictionnaire des mots qu'y'en a que moi qui les connais.

In fine, la télévision lui offre deux très marquantes interprétations, aussi crépusculaires l'une que l'autre : celle du fermier qui assiste, dans Le Champ Dolent (2002), à la fin du monde agricole, et celle de l'industriel catholique qui, dans Les Thibault (2003), d'après Roger Martin du Gard, doit affronter les mutations d'un siècle qu'il ne comprend plus. Le misanthrope avait définitivement pris le pas sur le trublion.

— André-Charles COHEN

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  • RASSAM JEAN-PIERRE (1942-1985)

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    • 647 mots

    Le producteur Jean-Pierre Rassam fut au début des années 1970 l'une des figures les plus dérangeantes du nouveau cinéma français.

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