WINTERSON JEANETTE (1959- )
Jeanette Winterson, née en 1959 à Manchester, fut adoptée par un couple d’évangélistes pentecôtistes de milieu modeste, qui voulaient faire d’elle une missionnaire mais la répudièrent quand elle révéla son homosexualité. La quête des origines et de l’identité sexuelle, le poids oppressant de la religion et le manque d’amour forment des thèmes récurrents dans l’œuvre de Winterson dès son premier roman autobiographique, Les oranges ne sont pas les seuls fruits (Oranges are not the OnlyFruit, 1985), qui suit l’apprentissage douloureux d’une enfant soumise à la tyrannie d’une mère fanatique. À l’âge de quinze ans, Winterson prend son destin en main : elle quitte le foyer, finance ses études par des emplois précaires, puis obtient une licence d’anglais à Oxford et travaille chez l’éditeur Pandora Press qui publie son premier roman. Le livre est couronné de succès. Jeanette Winterson devient l’une des grandes voix du féminisme anglo-saxon, qui n’a de cesse de bousculer les frontières entre les sexes, tout en proposant de nouvelles formes d’écriture.
Identités fluides et flamboyantes
La Jeanette fictionnelle du premier roman de Winterson partage de nombreux points communs avec l’auteur elle-même, qui a attendu près de trente ans avant de retracer la genèse de cet ouvrage et de livrer, dans Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?(Why Be Happy When You Could Be Normal, 2011), un récit autobiographique à la fois émouvant et drôle qui revient sur son enfance tourmentée et son émancipation au contact de la littérature, mais relate aussi sa recherche, à l’âge adulte, de sa mère biologique. Ces mémoires permettent de jeter un regard rétrospectif sur l’œuvre de Winterson et d’en cerner les thèmes avec plus de précision. Parmi ceux-ci figure le brouillage fréquent de l’identité sexuelle des personnages, souvent androgynes ou travestis à la manière de l’Orlando de Virginia Woolf, au point que la voix narrative d’Écrit sur le corps (Written on the Body, 1992) n’est jamais identifiée comme féminine ou masculine. Au fil des années, Jeanette Winterson s’éloigne de la seule peinture de l’amour lesbien pour embrasser des relations plus complexes, tant homosexuelles qu’hétérosexuelles, et dessiner les arabesques du désir charnel, de la passion dévorante et d’une délicieuse légèreté de l’être.
Si le ton est parfois mélancolique ou nostalgique, l’écrivain militant n’en oublie pas pour autant l’humour et le burlesque, en particulier dans sa peinture de personnages hauts en couleur, exubérants ou grotesques, tel l’empereur Napoléon dévorateur insatiable de poulets dans La Passion(The Passion, 1987), ou l’hideuse mais touchante Femme aux chiens dans Le Sexe des cerises (Sexing the Cherry, 1989). Ses essais sur l’extase et l’effronterie – Art Objects (Essays on Ecstasy and Effrontery,1995) – identifient bien, dès le titre, deux pôles de son écriture contestataire qui n’hésite pas à fustiger toute forme d’intolérance, aussi bien religieuse et politique que sexuelle, pour mieux dire la jouissance du corps et de l’esprit.
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Écrit par
- Vanessa GUIGNERY : habilitée à diriger des recherches en études anglophones, professeure des Universités à l'École normale supérieure de Lyon
Classification
Média
Autres références
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LA FAILLE DU TEMPS (J. Winterson) - Fiche de lecture
- Écrit par Vanessa GUIGNERY
- 1 004 mots
La Faille du temps de la romancière britannique Jeanette Winterson (traduit de l’anglais par Céline Leroy, Buchet-Chastel, 2019) est le premier ouvrage d’une série lancée à l’initiative des éditions Hogarth pour commémorer le 400e anniversaire de la mort de Shakespeare. L’éditeur avait...