WINTERSON JEANETTE (1959- )
Réalisme et merveilleux
L’œuvre de Winterson, qui ne cesse de célébrer l’art jubilatoire du conteur et intègre une dimension baroque ou féerique pouvant rappeler l’univers d’Angela Carter, se caractérise en outre par des jeux intertextuels qui font se rencontrer formes littéraires et héritages canoniques en une alchimie enchanteresse. Son premier roman et Boating for Beginners (1985) revisitent la Bible sur un mode parodique, transgressif et irrévérencieux ; La Passionet Le Sexe des cerises entremêlent histoire et fiction, réalisme et merveilleux, du xviie au xxe siècle ;Weight (2005) est une récriture audacieuse du mythe d’Atlas et Héraclès ; The Stone Gods (2007), situé dans un monde post-apocalyptique, emprunte à la science-fiction, tandis que The DaylightGate (2012) se présente comme un récit gothique de sorcellerie au xviie siècle ; le livre pour enfants L’Horloge du temps (Tanglewreck, 2006) mêle fable et récit d’aventures. Si la forme du conte prédomine souvent, Jeanette Winterson peut aussi intégrer à son récit un discours scientifique complexe, en lien avec l’époque dépeinte : après la botanique dans Le Sexe des cerises, la physique quantique et la théorie de la relativité trouvent place dans Art et mensonges (Art and Lies, 1994) et Gut Symmetries (1997),tandis que ThePowerBook (2000) explore les possibilités offertes par les nouvelles technologies et les mondes virtuels, et qu’Écrit sur le corps propose une description clinique du cancer qui ronge l’amante. L’écriture polyphonique de Winterson, oscillant entre prose et poésie, a pu être qualifiée de moderniste. L’auteur revendique l’héritage de Virginia Woolf, par exemple dans Garder la flamme (Lighthousekeeping, 2004) qui met en scène un conteur gardien de phare, en écho à La Promenade au phare (To the Lighthouse, 1927).
Dans la plupart de ses ouvrages, Winterson opte pour la démesure et la multiplication des voix, s’écarte du réalisme conventionnel et déjoue la chronologie pour lui préférer un parcours en spirale, où les époques alternent et les destins étonnants s’entrecroisent. Le titre du roman Art et mensonges reflète bien la façon dont l’auteur s’ingénie à brouiller les frontières entre vérité et mensonge, faits réels et monde imaginaire, histoire et fiction. « Je vous raconte des histoires. Faites-moi confiance », lit-on dans La Passion. D’un livre à l’autre, Jeanette Winterson invite le lecteur à savourer son art du paradoxe et à contempler la magie de ses miracles ordinaires.
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Écrit par
- Vanessa GUIGNERY : habilitée à diriger des recherches en études anglophones, professeure des Universités à l'École normale supérieure de Lyon
Classification
Média
Autres références
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LA FAILLE DU TEMPS (J. Winterson) - Fiche de lecture
- Écrit par Vanessa GUIGNERY
- 1 004 mots
La Faille du temps de la romancière britannique Jeanette Winterson (traduit de l’anglais par Céline Leroy, Buchet-Chastel, 2019) est le premier ouvrage d’une série lancée à l’initiative des éditions Hogarth pour commémorer le 400e anniversaire de la mort de Shakespeare. L’éditeur avait...