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ALAIN JEHAN (1911-1940)

Fils de l'organiste Albert Alain, Jehan Alain apprend la musique, comme le feront ses frère et sœur plus jeunes (Olivier, compositeur, et Marie-Claire, organiste), sous le regard de son père, à la tribune de l'orgue de l'église de Saint-Germain-en-Laye. C'est dans cette ville qu'il est né. Au Conservatoire de Paris il est, entre autres, élève de Marcel Dupré pour l'orgue et de Paul Dukas pour la composition. Il est tué au combat du Petit-Puy près de Saumur, le 20 juin 1940. En dépit de la brièveté de sa carrière de compositeur, Jehan Alain laisse une œuvre abondante (120 numéros d'opus) composée en une dizaine d'années (1929-1939) ; cette œuvre comprend surtout des pièces chorales, des pièces pour piano ou pour orgue. La composition quasi simultanée, en 1938, de trois messes laisse entendre que Jehan Alain s'épanouit pleinement et qu'il s'oriente vers des formes musicales larges ; la mort brise alors un artiste en plein essor.

L'homme est célébré comme un héros au lendemain de la guerre, ce qui évite de se pencher sur sa musique, et son œuvre va rester longtemps dans l'ombre. Marie-Claire Alain (pour les cinq ans de laquelle Jehan a écrit une pièce de piano, Heureusement la bonne fée marraine) s'est chargée de faire éditer les œuvres de son frère, dont une grande partie est enregistrée (pièces pour piano, œuvres vocales, œuvre pour orgue).

Deux principes dominent la création de Jehan Alain : « Se rappeler que presque tous les musiciens parlent trop longtemps », et « La musique est faite pour traduire les états d'âme d'une heure, d'un instant, surtout l'évolution d'un état d'âme. Donc mobilité nécessaire. Ne pas essayer de traduire un sentiment unique, fût-ce un sentiment éternel. » L'humour, qui se joint à cette prise de conscience, est un des traits les plus constants et les plus caractéristiques de l'homme : « Vous êtes un homme fait, Monsieur ? — Hélas ! ni fait ni à faire. » Cet humour s'exprime souvent dans le titre même des œuvres : En dévissant mes chaussettes, Berceuse sur deux notes qui cornent. Rapidité, mobilité, variété, recherches rythmiques et modales sont les caractéristiques d'un style que Marie-Claire définit de la manière suivante : « Tout Alain est dans cette attitude : ne jamais exagérer un effet et se moquer de ses propres épanchements. Dans les pièces les plus profondément tragiques, ne jamais perdre le sens de l'humour. »

— Brigitte MASSIN

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