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CARDAN JÉRÔME (1501-1576)

Médecin, mathématicien, astrologue, physicien, « inventeur », philosophe, Gerolamo Cardano, esprit génial, mais personnalité chaotique, pouvait faire preuve de l'esprit critique le plus aigu et de la crédulité la plus enfantine ; attentif à l'enchaînement des causes et des effets, il était néanmoins persuadé de l'intervention irrationnelle des démons. Né le 24 septembre 1501, à Pavie, il était le fils illégitime de Fazio Cardano (1445-1524), juriste doué d'une culture encyclopédique et bon mathématicien. Sa mère, Chiara Micheri, une veuve qui avait perdu ses trois enfants de la peste, avait tenté de se faire avorter, ainsi que Cardan lui-même le rapporte dans ses extraordinaires confessions (Liber de propria vita) rédigées peu de temps avant sa mort (à Rome, en 1576) et publiées (par Guillaume Naudé) seulement en 1643.

Le « médecin milanais »

Bien qu'on ne puisse prendre à la lettre tout ce qu'il a écrit sur lui-même et sur les autres – avec un mélange de sincérité quasi exhibitionniste ou masochiste et d'orgueil extrême –, on aurait tort de négliger ce que, chez Cardan, les constructions du rêve et de l'imaginaire nous apprennent, non seulement sur son existence « réelle », mais aussi sur une bonne part de son œuvre. C'est son père qui s'occupa de lui dans les premières années de sa vie, l'emmenant dans ses tournées d'affaires, lui apprenant les mathématiques, l'astrologie, le grec et le latin. L'enfant était chétif, quelque peu difforme, souvent malade et, par la suite – jusque vers la trentaine –, souffrit d'une impuissance sexuelle dont il parle sans vergogne. Il poursuit ses études aux universités de Pavie, puis de Padoue, y révélant des dons exceptionnels dans tous les domaines. Docteur en médecine en 1526, il pratique son art presque aussitôt à Saccolongo, près de Padoue, où il reste près de six ans. Il épouse en 1531 Lucia Bandareni, dont il aura deux fils et une fille. En 1529 puis en 1532, il essaie de se faire admettre comme professeur à l'université de Milan, mais le Collège des médecins s'y oppose, arguant de sa bâtardise, et surtout jaloux de sa réputation. En 1534, des difficultés économiques l'amènent à enseigner dans les écoles « Piattine » de Milan, puis il est admis comme médecin auprès du chapitre de Saint-Ambroise. Sa renommée ne fait que croître, surtout quand des familles importantes – comme celle du cardinal Borromée – ont pu apprécier ses services. En 1536, on lui offre une chaire de médecine à l'université de Padoue, mais il la refuse pour raison financière. Il refuse aussi d'entrer au service du pape Paul III et du lieutenant général de François Ier, Charles de Cossé. Ce n'est qu'en 1539 qu'il obtient, grâce à de puissantes amitiés, la licence d'enseigner de plein droit à Milan. En 1543, il accepte une chaire à l'université de Pavie, puis enseigne à celle de Padoue, mais par intermittence, jusqu'en 1551. Il refuse de nouvelles offres du pape et du roi de Danemark, mais accepte en 1552 de se rendre en Écosse, où il guérit de l'asthme le puissant archevêque d'Édimbourg, John Hamilton, et où il soigne des personnages importants. De retour à Milan, avec une réputation encore accrue et la bourse bien garnie, il décline les offres les plus flatteuses pour se consacrer à son enseignement. On le retrouve en 1559 à Pavie, où il demeure jusqu'en 1562. Mais en 1560, il connaît la pire détresse de sa vie : Giovanni Battista, son fils aîné, son préféré, est exécuté à la suite du meurtre de son épouse, une femme de mauvaise réputation. Outre un poème funèbre, ce drame inspire à Cardan un essai d'anthropologie criminelle, le De utilitate ex adversis capienda (Bâle, 1561). Il va quitter définitivement Milan, où il s'était réinstallé,[...]

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Tours, directeur du département de philosophie et histoire de l'humanisme au Centre d'études supérieures de la Renaissance, Tours

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