SAVARY JÉRÔME (1942-2013)
Né le 27 juin 1942 à Buenos Aires d'un père écrivain français et d'une mère qui était la petite-fille d'un ancien gouverneur de New York, Jérôme Savary, entré en France à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, vient très jeune à Paris pour y suivre des cours de solfège et de musique. Les spectacles de Jean Dasté puis de Jean Vilar au T.N.P. constituent ses premiers éblouissements théâtraux. Il entre aux Arts décoratifs puis, à dix-neuf ans, part pour New York, muni d'une bourse. Il y fréquente les milieux du jazz, Miles Davis, Coltrane, et vit de petits travaux. Revenu en France en 1964, il pénètre le milieu théâtral comme scénographe d'Ubu roi, mis en scène par Victor García pour le concours des Jeunes Compagnies. Il rencontre Arrabal, Copi, Lavelli, écrit et monte L'Invasion du vert olive et les Boîtes (1965) dont l'échec public et financier ne le décourage pas. Le Labyrinthe (1966) de Fernando Arrabal l'emmène en Grande-Bretagne, en Allemagne et à New York. Entre-temps, Jérôme Savary a fondé le Grand Magic Circus et ses animaux tristes. Pourquoi tristes ? « L'homme est un animal triste parce qu'il a perdu le sens de l'animalité », répond Savary qui écrit Zartan, le frère mal-aimé de Tarzan (1970) qu'il monte à la Cité universitaire. Énorme succès qui fait entrer le Magic Circus dans l'histoire du théâtre et de la fête. Ce spectacle, premier volet d'un triptyque, est suivi par Les Derniers Jours de solitude de Robinson Crusoé (1972), puis de Moïse à Mao ou 5 000 Ans d'aventure et d'amour (1973), opérette historico-burlesque montrant, à travers une accumulation d'images d'Épinal, l'histoire de France vue par des saltimbanques désenchantés. Cette mise en pièce du chauvinisme français ainsi que de la fin du règne de l'homme blanc occidental fait l'événement en échappant aux esthétiques brechtiennes ou réalistes des années 1970. Le Magic Circus crée la fête, la liberté, au travers de parades protestataires où ses cortèges de girls nues et fardées à outrance, ses musiques parodiques, ses calembours éculés apportent une bénéfique ironie parmi les poncifs de l'après-Mai-68. Jérôme Savary traque les mythes contemporains, la bande dessinée, le roman-photo, le roman historique, le freudisme et le brechtisme, en fait des cocktails explosifs grâce à des détournements et à des jeux de scène où la dérision règne en maître.
Appelé par Ivan Nagel au Schauspielhaus de Hambourg pour y mettre en scène Léonce et Léna de Büchner (1977), Savary voit sa carrière se partager entre des mises en scènes à vocation internationale — La Vie parisienne (1978), Courage (1977), Le Tour du monde en 80 jours (1977) — et des créations en France : Les Mille et Une Nuits (1978), Les Mélodies du malheur (1981). Non subventionné au bout de presque quinze années d'existence, le Grand Magic Circus vivra des jours difficiles jusqu'à ce que Jack Lang nomme Jérôme Savary à la direction du Centre dramatique national du Languedoc-Roussillon (1982-1986) où il montera notamment Superdupont (1982) et Cyrano de Bergerac (1983). Nommé ensuite directeur du Carrefour européen du théâtre à Lyon (1986-1988), Jérôme Savary met notamment en scène Cabaret (1986), prix Victoire de la musique et Molière 1987 et L'Italienne à Alger (1987). Il devient en 1988 directeur du Théâtre national de Chaillot, poste qu'il occupera jusqu'à sa nomination à l'Opéra-Comique (2000-2007). Là, il conduit une politique dynamique, dans laquelle la mise en scène des « classiques » (il monte par exemple La Résistible Ascension d'Arturo Ui, en 1993-1994, ou Cyrano de Bergerac, en 1997) ne se sépare ni de la découverte de jeunes talents, ni d'une diversité des œuvres proposées.
Trublion du théâtre contemporain,[...]
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- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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