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JÉRUSALEM, LE SACRÉ ET LE POLITIQUE (dir. F. Mardam-Bey et E. Sanbar)

Jérusalem, le sacré et le politique (Sindbad-Actes sud, 2000) ne pouvait paraître à un moment plus opportun. En effet, la ville a été au cœur des négociations avortées de Camp David au cours de l'été 2000. En son nom, les manifestants palestiniens ont déclenché une nouvelle intifada à la fin du mois de septembre. Est-ce à dire que la Ville sainte représente un enjeu tellement unique qu'il soit impossible de dégager un compromis raisonnable à la fois entre les trois monothéismes et entre Israéliens et Palestiniens ? Beaucoup l'affirment. Farouk Mardam-Bey et Elias Sanbar, les maîtres d'œuvre de ce recueil rassemblant une dizaine de contributions, s'y refusent, à juste titre. Ils plaident résolument pour une dissociation entre les dimensions politique et religieuse, seul moyen d'aborder la question de Jérusalem sans préjugé et avec un espoir raisonnable de trouver une solution territoriale satisfaisante. Non qu'ils méconnaissent la valeur symbolique de la ville, ils refusent simplement la confusion du spirituel et du temporel qui obscurcit toute tentative de compréhension.

Leur entreprise s'inscrit dans une perspective affichée d'emblée : étayer la revendication palestinienne, et plus généralement arabe, sur la ville, afin de souligner que celle-ci ne saurait être monopolisée politiquement par l'État d'Israël au nom de la prééminence d'un monothéisme. L'intention n'a rien d'illégitime, surtout lorsqu'elle est soutenue par une pléiade d'auteurs dotés d'un grand crédit intellectuel et animés d'une authentique passion de comprendre. Elle n'évite toutefois pas entièrement, par-ci, par-là, certaines interprétations un peu rapides.

La question de Jérusalem est abordée successivement sous trois aspects – sacral, historique et politique – qui rythment l'ensemble de l'ouvrage.

Le caractère sacré de Jérusalem, pour le judaïsme et le christianisme, est bien admis en Occident, il est davantage méconnu pour l'islam. C'est la raison pour laquelle les deux chapitres liminaires sont consacrés à la place d'Al-Qūds (nom arabe de Jérusalem) pour la troisième religion révélée, l'un sondant l'imaginaire musulman autour de la cité, l'autre montrant sa position éminente chez le géographe médiéval Muqaddasī. La section consacrée à la dimension religieuse se clôt par un long texte, rédigé par Youakim Moubarac, qui passe en revue la place historique et théologique de Jérusalem dans les trois monothéismes. Convaincant sur le christianisme et l'islam, l'auteur l'est beaucoup moins sur le judaïsme qu'il a tendance à trop spiritualiser dans son rapport à Jérusalem. Sans doute l'exil contribua-t-il à rendre la relation à la ville plus symbolique que réelle, mais cela n'entama en rien sa centralité historique, mythique et religieuse.

Dans la deuxième partie, sont abordés quatre moments forts, tous également traités avec talent, de la conquête musulmane au viie siècle à l'établissement du mandat sur la Palestine en 1922, en passant par les croisades et les quatre siècles ottomans. L'article sur le premier siècle de l'islam est particulièrement novateur dans la mesure où, fondé sur des sources primaires largement inexploitées, il tend à prouver que Jérusalem fut bien la première capitale de la Palestine. Ce faisant, il prend le contre-pied d'une historiographie israélienne qui a toujours soutenu le contraire. Quant à la contribution d'Adil Mannā, consacrée à la période ottomane, elle montre de façon bien documentée comment la ville est devenue le centre administratif de la Palestine dès la seconde moitié du xixe siècle.

La troisième et dernière partie aborde le volet proprement politique, celui de la Jérusalem contemporaine. Il s'ouvre avec un témoignage[...]

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Écrit par

  • : docteur en sociologie politique, directeur de recherche CNRS, CERI-Sciences Po

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