Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

KOSINSKI JERZY (1933-1991)

Né à Lodz en Pologne, de formation scientifique, Kosinski s'installe en 1957 aux États-Unis. C'est là qu'il publie en 1965 son premier roman, The Painted Bird (L'Oiseau bariolé, 1966), épopée d'un enfant juif dans les campagnes polonaises durant la Seconde Guerre mondiale. C'est une suite de scènes atroces dans lesquelles la violence et la cruauté atteignent leur paroxysme. Le style, très sec, de Kosinski accentue le malaise créé par le thème : les tortures, tant morales que physiques, subies par l'enfant, contées avec monotonie, toujours sur le même tempo, sont les conséquences d'un mal inéluctable qui habite l'homme. Ce livre fort et impressionnant reste le chef-d'œuvre de son auteur. Il publie ensuite Steps (1968 ; Les Pas, 1969) : un narrateur anonyme (homme de l'Est émigré aux États-Unis) raconte toutes les expériences violentes (drogue, guerre, sexe, tortures) qu'il a connues. Le livre déçoit et évite mal les redites et la facilité. Being There (1970 ; La Présence, 1971) est une parabole sur l'homme de demain : déculturé, il ne sait ni lire ni écrire, cultive son jardin et passe la majeure partie de son temps devant la télévision ; c'est pourtant lui qui va diriger les États-Unis. Bref et ironique, ce roman réussi ressemble à un conte de Voltaire. The Devil Tree (1973 ; La Sève du Diable, 1974 ; nouvelle version : Le Baobab, 1981), histoire d'un riche fils de famille américain, introduit le lecteur dans la Jet Society et présente une société américaine dans le désarroi, qui se réfugie dans les perversions sexuelles et la drogue. Les scènes de violence se succèdent, monotones et quelque peu complaisantes. Les quatre derniers romans de Kosinski confirment ce que l'on soupçonnait : à court d'inspiration, il laisse son talent sombrer dans les facilités et les redites. Cockpit (1975 ; Cockpit, 1976), Blind Date (1977 ; Le Partenaire inconnu, 1978), Passion Play (1979 ; Le Jeu de la passion, 1980), Pinball (1982 ; Flipper, 1982) ont tous pour héros un « chevalier errant » (ici un espion, là un joueur de polo, un investisseur ou un musicien désargenté) né à l'Est et émigré aux États-Unis, qui raconte sa vie, mêlant les scènes de sa jeunesse passée dans les dictatures de l'Est et les scènes dans lesquelles il peint une Amérique malade, définitivement fissurée : celle des supermarchés du sexe, de la zone, de la violence et de la drogue. Kosinski est le seul à peindre cette Amérique-là, avec une crudité (et parfois un humour froid qui n'est pas sans évoquer Kundera) qui en font un auteur original et puissant — mais il est cependant dommage que ses ambitions littéraires semblent de moins en moins être à la hauteur de la richesse de son imaginaire : ses livres (Flipper mis à part, qui se présente comme un roman à suspens) sont dénués de tout « scénario » et apparaissent comme des suites décousues de scènes provocantes et brutales, que le style froid et détaché de Kosinski rend encore plus malsaines. Le suicide de l'écrivain a interrompu une œuvre qui, dans le jeu constant qu'elle se plaît à entretenir entre vrai et faux, pouvait encore réserver des surprises.

— Christophe MERCIER

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de lettres modernes, éditeur

Classification