JÉSUITES EN CHINE
Dans l'action des Jésuites en Chine (voir H. Bernard-Maître, art. « Chine » et « Chinois » in Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastique ; J. Dehergne, Répertoire des Jésuites de Chine de 1552 à 1800, 1973), on peut distinguer trois périodes.
La première période, de 1552 à 1686, est celle du Padroado portugais. Paradoxalement, le monde chinois est abordé au Japon par François Xavier : « Si vous voulez aboutir, commencez par la Chine ! » Celle-ci ressortit au Padroado, installé à Macao (1557 ; évêché, 1576) ; le Patronato espagnol tient Manille (1571). L'Italien Ruggieri se laisse assimiler aux bonzes bouddhistes ; avec Matteo Ricci, il réussit à mettre pied, en 1583, à Zhaoqing et, en 1601, à Pékin. Avec beaucoup de prudence, il s'adresse aux lettrés, se heurte au problème des termes et à celui des rites. Le monopole jésuite est depuis peu entamé par les ordres venus de Manille au Fujian : les Dominicains en 1632, les Franciscains en 1633. Sur dénonciation d'un dominicain, la Congrégation pour la propagande de la foi condamne les méthodes de Ricci (1645). Mais le Saint-Office les confirme onze ans plus tard (1656). Quand la dynastie chinoise des Ming est renversée et remplacée par la dynastie sino-mandchoue des Qing (1644-1911), à la cour, l'Allemand Schall (1645) et le Flamand Verbiest (1659) continuent officiellement leur travail d'astronomes ; ils corrigent le calendrier impérial. Cependant, les pays européens se constituent des empires coloniaux ; les Pays-Bas s'implantent à Batavia, l'Angleterre aux Indes et la France à Pondichéry. battant en brèche l'hégémonie du Padroado. Le père Alexandre de Rhodes, Avignonnais venu du Vietnam, propose alors à Rome (1649) l'envoi d'évêques, des « vicaires apostoliques » (Mgr Pallu prend pied en Chine en 1684). Si la conception d'Église hiérarchique bénéficie du contexte sociopsychologique, ne heurtant pas les relations sociales traditionnelles, la Chine pourtant ne se convertit pas comme les Philippines, le Tonkin et (provisoirement) le Japon : elle n'a que 200 000 chrétiens, 159 églises jésuites, 21 dominicaines, 3 franciscaines, quand elle expulse les missionnaires à Canton (1724).
La deuxième période, de 1688 à 1775, correspond à l'Europe des Lumières. Cinq « mathématiciens du roi » (Louis XIV) arrivent à Pékin en 1688 ; la mission française est séparée de la vice-province portugaise en 1700. Si Kangxi accorde un édit de tolérance religieuse en 1692, Mgr Maigrot, vicaire apostolique du Fujian, condamne en 1693 la tradition de Ricci ; il est suivi en 1700 par la Sorbonne, en 1704 par le Saint-Office, en 1707 par le premier légat pontifical de Tournon, en 1715 et 1742 par les papes eux-mêmes. Boudée par les lettrés (« c'est le comble de l'incivilité, estiment-ils, que de ne pouvoir s'incliner devant les défunts »), l'Église ne s'adresse plus qu'aux petites gens. Elle subit des persécutions sous le règne de Yongzheng (1723-1736) et sous celui de Qianlong, de 1745 à 1748 et en 1784-1785. Les jésuites de la Cour travaillent à l'établissement des relations sino-russes (Pereira, Gerbillon) et au développement des sciences (astronomie, grande carte de la Chine, 1705-1719 ; estampes gravées « Conquêtes de Qianlong », 1754-1760), de l'architecture (le palais d'Été), de l'art (Castiglione, Attiret), de l'érudition (Parrenin, Gaubil, Amiot). Du Halde, éditeur des Lettres édifiantes, publie sa Description de la Chine (1735), dont Voltaire s'inspire. Mais, en 1762, le ministre portugais Pombal arrête les jésuites de Macao ; en 1764, Louis XV supprime la Compagnie en France ; Clément XIV, par un bref de 1773, la détruit ; le dernier ex-jésuite meurt, en 1813, après avoir publié la Bible en chinois et en mandchou.[...]
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Écrit par
- Joseph DEHERGNE : docteur de l'université de Paris, archiviste des Jésuites de la province de Paris
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