JEU
Les activités de jeu sont parmi les plus répandues. On les observe chez beaucoup d’animaux et, chez les humains, dans toutes les sociétés, toutes les cultures, à toutes les époques et à tous les âges de la vie. Jouer est même revendiqué comme un droit par la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies(1989, article 31).
Tous les adultes et tous les enfants savent intuitivement ce qu’est un jeu car délimiter le champ des activités ludiques relève d’un consensus social apparemment non appris. Il est donc paradoxal de constater à quel point les spécialistes des sciences sociales, essentiellement psychologues, sociologues et anthropologues, peinent à le définir rationnellement et scientifiquement. Cela tient d’abord à l’extrême variabilité des comportements qu’il est nécessaire d’inclure ; cela tient aussi au décalage entre la simplicité des représentations communes sur le jeu et la complexité des phénomènes, psychologiques et sociaux, impliqués par les activités de jeu.
Qu’est-ce qu’un jeu ?
Pour qu’une activité soit considérée comme un jeu, il faut d’abord qu’elle résulte d’un libre choix et que son exercice soit en lui-même plaisant et motivant. Une activité où l’on s’ennuie n’est pas un jeu. Par ailleurs, si le participant est toujours actif d’une manière ou d’une autre, il ne doit pas maîtriser totalement l’issue du jeu. C’est cette ouverture qui fait que toute activité de jeu entraîne un bénéfice cognitif : une activité surapprise, et donc sans surprise, n’est pas un jeu. L’incertitude peut venir du participant lui-même lorsqu’il fait évoluer les conditions du jeu en donnant libre cours à son invention et à sa créativité. Elle peut aussi résulter des règles aléatoires introduites, des contextes jamais identiques, ou encore des réactions et interventions des autres joueurs.
Ces caractéristiques s’appliquent à l’évidence à un très grand nombre d’activités. Comment se repérer dans ce vaste ensemble ? La classification proposée par Roger Caillois (Les Jeux et les hommes, 1958, 1967) repose sur la distinction de quatre catégories de jeu, en se fondant sur leur composante psychologique principale : la compétition (agôn), la chance (alea), la fiction et le simulacre (mimicry), la recherche de sensations fortes (le vertige ou ilinx). Dans chaque catégorie, les jeux peuvent s’ordonner selon leur degré de régulation, depuis les improvisations et la spontanéité qui caractérisent souvent les jeux enfantins jusqu’à l’acceptation délibérée de règles strictes dont la connaissance et la maîtrise permettent de bien s’amuser. Par exemple, la compétition peut être non explicitement réglée (comme dans les bagarres ludiques – rough and tumble – observées chez les enfants et chez de nombreux animaux) ; elle peut aussi être très contrôlée comme dans les rencontres sportives. Caillois repère également des types de jeux qui regroupent deux des composantes de base ; les conjonctions qu’il juge les plus pertinentes sont : le simulacre et le vertige (transes chamaniques, carnaval et masques, fêtes foraines et train fantôme...) ainsi que la compétition et la chance (jeux de hasard, jeux de cartes, etc.).
Au cours de la seconde moitié du xxe siècle, de nombreux jeux sont apparus. Ils s’insèrent parfaitement dans cette classification : jeux de vertige (saut à l’élastique, parapente, kitesurf, VTT, BMX, etc.), jeux vidéo (qui, diversement, allient sensations, fiction et compétition), jeux de rôle (qui associent fiction, compétition et hasard, et qui peuvent aussi être coopératifs). Caillois excluait ces combinaisons ternaires, mais elles correspondent à bon nombre de jeux actuels et restent compatibles avec sa classification.
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Écrit par
- Henri LEHALLE : professeur émérite, université de Montpellier-III-Paul-Valéry
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