ÉCHECS JEU D'
La composition échiquéenne
Toutes les parties d'échecs ne sont pas également spectaculaires et, au cours d'une même partie, toutes les manœuvres ou tous les coups ne sont pas également émouvants. Il était naturel que des amateurs passionnés voulussent conserver des traces des combinaisons les plus impressionnantes qui avaient surgi au cours de leurs parties. C'est ce qui arriva dès les premiers pas du jeu et qui devait aboutir à un nouveau genre, la composition échiquéenne. Confondu à l'origine avec la partie, le problème devait s'en écarter peu à peu pour aboutir de nos jours à une très nette séparation et acquérir une autonomie dont les conséquences sont certainement loin d'être stabilisées.
Au début (Arabes, Moyen Âge), on se contenta de ne retenir que des positions provenant de parties réellement jouées et permettant d'annoncer un mat en quelques coups obtenu au moyen d'une combinaison brillante et paradoxale. On supprima alors les pièces devenues inutiles au moment où le problème se posa. Puis on retoucha les positions, de manière à rendre les solutions plus surprenantes et leur recherche plus difficile. On en vint ensuite à imaginer des problèmes ne correspondant pas à des positions rencontrées dans l'expérience du joueur. Enfin, on convint que les solutions, et notamment le premier coup de chacune (ou « clé »), devaient être uniques. Toutefois, l'esprit de la partie – avec son goût pour des sacrifices matériels énormes et imprévus – continua à présider au « problème ancien ».
Exemple A (fig. 14). Les blancs sont menacés de 1. -Dh2 =| et de 1. -Dg2 =|. Solution : 1. Dé6+ ! ! -D×Dé6 ; 2. Cd7 ! -D×Cd7 (forcé) ; 3. Tb8+ ! ! -R×Tb8 ; 4. ç6×Dd7 suivi de 5. ç8 = D =|.
Dans la première moitié du xixe siècle, des aspirations de moins en moins timides devaient se faire jour jusqu'à l'apparition du célèbre « problème indien » (1845), qui devait bouleverser la situation en présentant une manœuvre pratiquement inimaginable dans une partie.
Exemple B (fig 15). Solution : 1. Fç1 ! ! (coup « critique » franchissant la case « critique » d2 en vue de faire intercepter ce F par la T afin d'éviter un pat) -b4 ; 2. Td2 ! ! -b5 ; 3. Rb1 ou Rb2 -R joue ; 4. Td4+d et =|.
Avec la notion de thème le « problème moderne » était né. Toute fidélité à la partie était jetée par-dessus bord. On ne se fit pas scrupule, par exemple, de construire des positions présentant une très grande inégalité de matériel, de sorte qu'aucun joueur ne s'intéresserait à conduire une partie où la victoire du camp le mieux armé ne fait pas de doute, alors que la manœuvre gagnante nécessaire dans le plus petit nombre de coups n'en est pas moins invraisemblable, donc très difficile à découvrir, le mat pouvant même être administré par le camp le moins bien pourvu en matériel.
Pendant près de quatre décennies, de nombreux thèmes originaux furent imaginés dans un climat enthousiaste et anarchique. Vers 1880, on en vint à tenter d'organiser plus rationnellement le défrichement du nouveau domaine. La liste de toutes les qualités que l'on pourrait demander à un problème était devenue très longue, très disparate, et il apparut qu'il était pratiquement impossible de les réunir toutes dans une même œuvre. Il fallait choisir, selon des critères esthétiques plus ou moins subjectifs. Ce fut l'époque des « écoles » qui, en un sens, continuent à prospérer de nos jours.
La première, l'école nord-américaine, dominée par Sam Loyd, le « roi du problème d'échecs », et son disciple W. A. Shinkman, cultive des combinaisons fantastiques, paradoxales et humoristiques. Plus tard, citons comme créateur indépendant le Roumain W. Pauly.
Problème C (fig. 16). Solution : 1. Rç5[...]
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Écrit par
- François LE LIONNAIS : Conseiller scientifique.
- Jean-Michel PÉCHINÉ
: journaliste au magazine
Europe Échecs - Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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