JEU Ethnologie du jeu
Orientation des études sociologiques
La sociologie contemporaine ne s'attache guère à l'étude théorique du jeu qu'en fonction des concepts de groupe et de loisir. Ceux-ci, en tant que sujets d'étude, sont considérablement éloignés l'un de l'autre, mais ils ont en commun de pouvoir être étudiés sous l'aspect ludique. Tous deux se ressemblent en ceci qu'ils sont abordés, par le sociologue, du point de vue pragmatique. Chacun est considéré, par les spécialistes aussi bien en théorie sociale qu'en sociologie appliquée, comme pierre angulaire de la société industrielle, et leur influence, l'une sur la formation des nouvelles générations et l'autre sur l'efficacité de la production industrielle, est incontestable.
Les groupes de jeunes et les groupes de jeu
Le groupe de jeu est classé dans la catégorie des petits groupes spontanés, déterminés par deux forces de cohésion sociale, celle du voisinage et celle des classes d'âge. C. H. Cooley le définit ainsi : « Le groupe de jeu est l'un des groupes primaires dans lesquels les premières attitudes sociales de l'enfant se développent », et E. S. Bogardus : « C'est une importante chambre d'enfant de la vie humaine. » De ces définitions, il ressort une idée théorique principale : la sociologie considère le groupe de jeu comme une institution éducative et préparatoire à la vie adulte, et, par conséquent, le jeu comme un moyen de formation culturelle et surtout morale, un instrument utile à l'initiation des jeunes gens dans la société.
Limitant pratiquement sa sphère d'intérêt aux seules sociétés industrielles, le sociologue, quand il attribue la qualité d'une institution éducative au groupe de jeu, choisit très souvent pour modèle des institutions préscolaires ou parascolaires qui sont loin d'être spontanément constituées. Elles sont en fait généralement organisées par l'école, par la paroisse ou par une association philanthropique. Aux États-Unis, par exemple, vers 1880, une impressionnante action nationale se développe, le Playground Movement, qui procure des terrains de jeu aux enfants des grandes villes qui en sont privés. La société américaine reconnaît rapidement l'importance de cette action, et grâce à des souscriptions publiques, des centaines de millions de dollars sont consacrés à la construction de parcs et autres endroits de jeu, à l'ombre des gratte-ciel qui arrachaient les derniers espaces libres aux jeunes métropolitains. L'un des animateurs du Playground Movement, C. E. Rainwater en a souligné les résultats grandioses aux conséquences incalculables pour la formation psychique et physique des trois dernières générations américaines.
La grande ville connaît aussi des groupes de jeu durables formés par les enfants eux-mêmes. Dans les pays où le football passionne les masses, les enfants ne font point exception. Les enfants d'un même voisinage et d'âge semblable se groupent en équipes, se réunissent régulièrement dans les impasses ou sur les terrains à bâtir, et jouent à un football dont les règles sont parfois très éloignées des règles officielles. Ils donnent à leurs équipes le nom des clubs professionnels qu'ils admirent, et rencontrent des bandes semblables pour disputer le championnat du quartier. Toutes les capitales européennes et ibéro-américaines connaissent ce phénomène, qui prend parfois une importance telle qu'au Brésil la police doit interdire os teams da rua (les équipes de la rue) qui gênent considérablement la circulation. D'autres groupes, formés spontanément pour quelque jeu occasionnel qui ne possède pas de facteurs psychosociaux aussi attirants que le football, se révèlent éphémères et sont incapables de développer un semblable esprit d'équipe. F. Molnar décrit cette société de jeu des terrains[...]
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Écrit par
- Geza de ROHAN-CSERMAK : professeur à l'université Laval, Québec
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