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JEU (théâtre)

Le jeu est l'activité la plus naturellement associée au théâtre et sa présence structure la totalité de l'art dramatique, au point de figurer dans le titre d'œuvres fondatrices au xiie et au xiiie siècles (Le Jeu de la feuillée, Le Jeu de Robin et Marion, Le Jeu d'Adam), avant la distinction en genres plus précis. Néanmoins, sa polysémie rend sa caractérisation ardue. Il faut en effet dissocier le jeu d'improvisation de l'interprétation (soumise à des processus de répétition), le jeu théâtral, obéissant aux codes de la représentation mimétique, du jeu dramatique – dont le dessein vise une certaine émancipation (sociale et esthétique) de l'actant.

Les règles du jeu

Si l'on en croit Johan Huizinga, le jeu serait le propre de l'homme. La définition large et abstraite qu'il en donne dans Homo Ludens (1938) témoigne que le jeu théâtral s'inscrit dans cette activité sociale : « une action libre sentie comme fictive et située en dehors de la vie courante, capable néanmoins d'absorber totalement le joueur ; une action dénuée de tout intérêt matériel et de toute utilité ; qui s'accomplit en un temps et dans un espace expressément circonscrits, se déroule avec ordre selon des règles données et suscite dans la vie des relations de groupes s'entourant volontiers de mystère ou accentuant par leur déguisement leur étrangeté vis-à-vis du monde habituel ». Fiction, espace /temps circonscrits, règles et conventions : cet ensemble de règles s'applique au jeu théâtral sans toutefois permettre d'en cerner la spécificité, notamment par rapport à la forme esthétique précise qui le justifie.

De plus, le jeu théâtral n'est pas du seul ressort de l'acteur, dans la mesure où il embrasse tous les individus qui participent d'une manière ou d'une autre à cette activité. Il est possible d'affirmer que, a contrario du jeu de l'enfant, il a besoin d'un partenaire qui soit lui aussi, à sa manière, joueur. Les spectateurs sont eux-mêmes placés en état de jeu : ils accréditent ce qu'ils voient, jouent à y croire, en acceptent les conventions. Différentes formes du jeu dit dramatique tendent cependant à refuser cette dissociation acteur /spectateur en créant un groupe homogène. Au jeu est alors clairement demandé d'être un outil d'émancipation, et non une forme esthétique de représentation. Les propositions d'Augusto Boal et du Théâtre de l'Opprimé, fondé en 1954, s'appuient sur ses vertus libératoires, à travers la mise à distance des structures oppressives, des comportements idéologiques, etc. Ces vertus, néanmoins, apparaissent bien relatives : si le jeu crée des enclaves, celles-ci restent provisoires.

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Écrit par

  • : maître de conférences en arts du spectacle à l'université de Strasbourg-II-Marc-Bloch

Classification

Média

<it>Au revoir parapluie</it>, J. Thierrée - crédits : J.-L. Fernandez

Au revoir parapluie, J. Thierrée