JEU
Les jeux des enfants
Les phénomènes psychologiques complexes comme ceux mobilisés dans le cadre du jeu gagnent à être étudiés par leur développement chez l’enfant. Cela permet, ici, de mieux différencier les types de jeux et de repérer leurs composantes personnelles, cognitives et sociales.
De nouveaux jeux quand l’enfant grandit
Selon Jean Piaget, les jeux les plus précoces, chez les enfants de moins de deux ans, sont les jeux d’exercice. Ils consistent à répéter pour le plaisir une action dont on ne maîtrise pas encore tous les aspects. Ces jeux se prolongent en jeux d’exploration, les conditions de l’exercice étant modifiées à loisir pour en observer les effets.
Vers deux ans apparaît progressivement chez l’enfant l’utilisation des jeux symboliques où des éléments présents dans la situation (objets ou gestes) renvoient à des éléments absents. Ces jeux se complexifient assez vite, ils deviennent des jeux de fiction mettant en scène des représentations plus élaborées tels les habituels jeux de dînette ou avec des poupées, etc.
Les jeux de règle sont les plus tardifs (à partir de cinq-six ans). Au départ, les jeunes enfants commencent par appliquer des « règles » qui sont plutôt des rituels transmis par des adultes ou d’autres enfants, et imités. Quand la règle est finalement comprise comme ce qui détermine le déroulement et l’issue du jeu, alors elle devient non modifiable (la règle, c’est la règle !). Ce n’est que plus tard chez l’enfant (habituellement vers dix ans) que les règles sont pensées comme potentiellement variables car résultant d’un consensus entre les joueurs, l’important étant de se mettre d’accord avant de jouer.
Jouer avec les autres
Les enfants peuvent jouer seuls ou en parallèle, c’est-à-dire proches d’autres enfants mais chacun suivant sa propre activité, ou encore en interaction avec d’autres personnes. Quel que soit le type de jeu (exercice, symbole, règle), jouer en interaction avec d’autres est toujours très valorisé. Le caractère social de nombreux jeux enfantins est ainsi très précoce, comme l’attestent les interactions ludiques avec les bébés.
Toutefois, s’agissant des interactions entre pairs, il est utile de distinguer les activités « en groupe » et les activités « de groupe ». Les premières sont observées dès deux ans. En effet, plutôt que de s’amuser tout seul, il est plaisant d’être avec les autres, en groupe, pour jouer, échanger et imiter éventuellement ; pour autant, bien qu’étant en compagnie des autres, l’enfant reste généralement centré sur ses projets personnels et tant mieux si, par chance, ils s’accordent avec ceux des autres. Les activités de groupe sont complexes et plus tardives. Ces formes de jeux (principalement des jeux de fiction) impliquent une différenciation de rôles et donc un ajustement interpersonnel délibéré susceptible de produire une réalisation véritablement commune, qui dépasse la contribution de chacun.
Approches comparatives
La comparaison des activités de jeu dans divers contextes culturels montre que si les jeux des enfants sont habituellement et en apparence différents, ils relèvent toujours des trois grands types : exercices, symboles, règles. Par exemple, dans certains groupes indiens traditionnels d’Amérique du Sud, les enfants fabriquent des poupées ou des animaux, ce qui correspond à des jeux symboliques. Quant aux jeux de règles, wari (dont l’awele) et solo sont des jeux de calcul arithmétique traditionnels en Afrique.
Pour ce qui est des comparaisons selon l’âge, le modèle piagétien de développement des jeux (exercice, symboles, règles) n’implique pas que la pratique de nouveaux jeux fasse obligatoirement disparaître les pratiques anciennes. Les jeux d’exercice restent effectifs quand les jeux symboliques apparaissent et les jeux de règles n’éliminent pas l’occurrence de jeux d’exercice ou de jeux[...]
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Écrit par
- Henri LEHALLE : professeur émérite, université de Montpellier-III-Paul-Valéry
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