JEU
L’importance des jeux pour le développement
Jeu et développement cognitif
Les jeux des enfants sont un facteur important de leur développement. Sans possibilité de jouer, le développement se trouve entravé. Mais les jeux ont-ils une efficacité développementale directe ou indirecte ?
S’il ne suffit pas de jouer à la dînette pour apprendre à faire la cuisine ou de faire rouler des autos miniatures pour apprendre à conduire, le jeu est toujours l’occasion d’exercer des schèmes – c’est-à-dire une organisation d’action – et ces schèmes sont éventuellement transférables et généralisables à d’autres situations analogues sans être identiques. Par exemple, les jeux de cartes sont l’occasion d’exercices opératoires essentiels comme ordonner, classer, compter, combiner, planifier...
Si des relations positives ont pu être observées entre les jeux de fiction et le langage, les preuves empiriques de l’effet des jeux à plus ou moins long terme ne sont pas toujours convaincantes car les corrélations observées sont de faible ampleur et non systématiques. L’une des raisons tient à la difficulté d’évaluer hors contexte les aptitudes générales que les jeux sont censés soutenir, comme la créativité, l’intelligence ou les fonctions exécutives (actualiser en mémoire, inhiber l’inutile, changer de centration…). Quoi qu’il en soit, même s’il est difficile de valider empiriquement le bénéfice cognitif des pratiques ludiques et surtout son degré de généralité, l’exercice de la créativité, de l’imagination ou de l’intelligence est manifeste dans les jeux enfantins.
Jeu et socialisation
Le Jugement moral chez l’enfant(1932), de Jean Piaget, commence par une étude sur les jeux de billes. Cela n’est pas surprenant car les jeux entre pairs suscitent l’acquisition et la différenciation de compétences sociales. De fait, quand on est enfant, les normes du groupe sont plus facilement appréhendées et gérées dans le cas des groupes de pairs que vis-à-vis des adultes. En effet, il est généralement plus facile pour un enfant de se représenter les points de vue de ses camarades que ceux des adultes, même s’il applique par ailleurs les injonctions de ces derniers – sans forcément en comprendre les tenants et aboutissants. Ainsi, les questions morales dans le domaine du jeu sont centrales. Il est significatif de ce point de vue que l’éthique des jeux (tricher ou ne pas tricher) ait fait l’objet de discussions dans certaines communautés Internet de jeunes joueurs. Plus généralement, la pratique des jeux contribue à une meilleure adaptation sociale. Jouer c’est s’engager dans des défis et des confrontations régulés. C’est aussi accepter l’éventualité de perdre et, dans ce cas, il faut apprendre à tolérer et à sublimer les frustrations induites.
À l’échelle des sociétés, la pratique des jeux est en relation directe avec les représentations et les valeurs culturelles. Chez les adultes, la pratique sportive et les prises de risque sont vécues comme une valorisation personnelle et les spectateurs passionnés sont nombreux à assister aux compétitions sportives. Chez les enfants, les pratiques ludiques reflètent les caractéristiques et les valeurs de leur groupe culturel : compétition ou collaboration ; régulation sociale des jeux selon les normes du groupe (par exemple, on se bagarrera avec son égal, pas avec un enfant plus jeune) ; gestion des émotions et des défis, comme dans les sports extrêmes…
Ainsi, les pratiques ludiques contribuent, sans que les participants s’en rendent compte, à l’acquisition de ce que l’on appelle les connaissances implicites (implicitknowledge), c’est-à-dire à la formation de représentations considérées comme évidentes, allant de soi. Dans le cas des sociétés qui se transforment peu d’une génération à l’autre, les jeux et leur éventuel contrôle par les adultes participent[...]
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Écrit par
- Henri LEHALLE : professeur émérite, université de Montpellier-III-Paul-Valéry
Classification
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