JEU
Les utilisations pédagogiques et thérapeutiques du jeu
À la Renaissance, Érasme soulignait déjà l’intérêt pédagogique des jeux. De fait, jouer augmente la motivation et l’engagement des apprenants. Jouer permet également d’acquérir des connaissances tout en favorisant la dynamique sociale des apprentissages. Dans un cadre scolaire, cela implique de penser l’environnement des classes et des cours de récréation en tenant compte de la diversité des jeux possibles.
D’un point de vue didactique, c’est-à-dire quand on vise un objectif précis d’acquisition, les jeux, pour être efficaces, doivent être construits en rapport avec le but recherché. Ainsi, on a montré que des jeux spatiaux originaux facilitaient la représentation de transformations spatiales chez des enfants de huit à dix ans. S’il s’agit d’acquérir des connaissances procédurales ou conceptuelles, en mathématiques par exemple, le bénéfice des jeux doit être complété par une réflexion formelle susceptible de dégager des connaissances générales et transférables à d’autres contextes.
En ce qui concerne les jeux vidéo, et malgré la prévention manifestée par beaucoup de parents et d’éducateurs, de nombreuses études valident les bénéfices que ces jeux peuvent apporter, qu’il s’agisse des jeux « sérieux » (seriousgames) ou des jeux de divertissement, à condition d’en maîtriser le choix et l’usage. Ces bénéfices sont directement liés aux compétences requises pour pouvoir jouer. On peut les apprécier sur plusieurs plans : personnel (concentration, persévérance, motivation), cognitif (résolution de problèmes, développement stratégique), technique (maîtrise des outils numériques), social (communautés de joueurs, tout particulièrement dans le cas des MMORPGs, pour massively multiplayer online role-playinggames). Mais on a aussi envisagé que les jeux vidéo puissent être efficaces pour des entraînements plus spécifiques, en rapport avec les fonctions exécutives. Dans ce cas, l’efficacité des jeux de divertissement (ceux que l’on trouve habituellement dans le commerce) est relative. Il apparaît plus pertinent de construire des jeux plus focalisés, directement en rapport avec l’aptitude à entraîner comme la flexibilité mentale.
Il est toutefois important de relativiser l’intérêt pédagogique des jeux en général car ils ne sont pas tous ni toujours bénéfiques, certains apprenants ayant du mal à entrer dans des systèmes de jeu un peu complexes. S’agissant des jeux vidéo, il faut tenir compte de leur très grande diversité et de leur idéologie implicite. Il y a peu à attendre, d’un point de vue éducatif, des jeux qui consistent essentiellement à éliminer des adversaires en évitant de se faire soi-même éliminer. En revanche, certains autres (ainsi Civilization) peuvent s’avérer utiles car ils obligent à se comporter dans un monde virtuel qui simule la complexité des sociétés réelles.
Enfin, les jeux sont très utilisés en psychothérapie. Ils favorisent tout d’abord la prise de contact et l’évaluation des difficultés éprouvées. Ensuite, dans le cours même de la thérapie, ils permettent l’expression symbolique des traumatismes (catharsis) ; ils assurent également la construction et le maintien d’une relation positive et décontractée avec le ou la thérapeute.
En conclusion, le caractère universel des jeux – universalité qui n’implique pas que les jeux soient innés ou prédéterminés – pose la question de leur rôle dans l’évolution et la survie des espèces. Chez les humains comme chez les animaux, les jeux ont un rôle épigénétique : ils contribuent tout particulièrement à ce que le génotype se transforme en un phénotype adapté aux circonstances présentes.
Il est clair, cependant, que des recherches complémentaires seraient utiles pour mieux cerner les processus qui orientent et déterminent les activités[...]
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Écrit par
- Henri LEHALLE : professeur émérite, université de Montpellier-III-Paul-Valéry
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