JEUX D'INFLUENCE (J.-X. de Lestrade et A. Lacomblez)

L’exercice du pouvoir

Dans le sillage de Borgen au Danemark, la série française se penche également sur les aléas de l’exercice du pouvoir. Interprété avec tact par Laurent Stocker, Guillaume Delpierre, nommé ministre de l’Agriculture avant le début de la saison 2, tente de suivre sa feuille de route en combinant aspirations personnelles, directives du chef de l’État, revendications des syndicats agricoles et pressions des lobbies. Ces « jeux d’influence » le placent régulièrement devant des conflits d’intérêts et des dilemmes inextricables, au même titre que Birgitte Nyborg, dans Borgen, ou Marie Tessier, dans Sous contrôle, une autre série d’Arte mettant en scène le monde politique en 2023. La fin justifie-t-elle les moyens ? Faut-il se résoudre à franchir la ligne rouge pour mener à bien son programme dès lors que l’on entre dans l’arène politique ? Ces questions constituent autant de moteurs fictionnels pour les scénaristes de Jeux d’influence, qui tirent pleinement parti du temps long propre à la série.

Au souci du détail se mêle en outre une proximité revendiquée avec l’actualité. Du scandale sanitaire lié au glyphosate de Monsanto aux enquêtes d’investigation méticuleuses menées par la journaliste Inès Léraud sur les enjeux de santé publique et les exactions de l’industrie agroalimentaire, en passant par les difficultés de Nicolas Hulot à assumer ses fonctions de ministre de la Transition écologique et solidaire entre mai 2017 et août 2018, la série change certes les noms – le glyphosate est rebaptisé limitrol –, mais donne le sentiment de suivre pas à pas notre quotidien tourmenté. Si les journaux d’information anxiogènes et la culture politique de l’instant contreviennent à l’élaboration de stratégies à long terme, Jeux d’influence, à l’heure des pandémies et des dérèglements climatiques, prend le temps d’interroger les dérives de l’agrochimie et de l’élevage industriel. Tel est le pouvoir de la fiction : mettre la réalité en perspective, de sorte que l’actualité ne soit plus une succession de faits que l’on absorbe sans discuter, mais autant d’occasions d’infléchir la courbe du futur qui s’annonce.