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JEUX DE PIONS

Esquisse d'une histoire des jeux de pions

Les jeux de pions offrent un terrain fascinant et difficile pour l'historien. Ils forment nos plus vieux jeux de réflexion « complexes », n'étant précédés que par les dés avec lesquels ils ont d'ailleurs partie liée. Mais les preuves manquent et l'enquête s'enlise vite dans l'interprétation d'objets à la fonction inconnue. On peut toutefois s'aventurer à postuler une évolution logique.

Jeu des vingt cases - crédits : Encyclopædia Universalis France

Jeu des vingt cases

On admet assez communément que les premiers jeux intellectuels sont des jeux de dés purs. Quelques indices archéologiques nous permettent de penser que l'usage d'instruments aléatoires ou générateurs de hasard était déjà connu au Chalcolithique, voire au Néolithique. Il est sans doute venu à l'esprit de ces premiers joueurs de marquer les points à l'aide de « jetons » – précurseurs des pions ? – puis sur un « compteur » – qui anticiperait ainsi le tablier de jeu – en déplaçant un ou plusieurs objets le long d'une ligne « graduée ». De là, on serait passé au principe des jeux de parcours : on connaît des exemples de parcours rectilignes (tel le bul maya). Il n'est pas difficile de donner au circuit une forme plus complexe, en méandres, puis en spirale ou selon tout autre schéma. De fait, les plus anciens jeux de réflexion sûrs et datables sont tous des jeux de parcours plus ou moins complexes (jeu du serpent mehen, senet, « jeu royal d'Ur » – alias « jeu des vingt cases » –, tous attestés à une époque très reculée, vers 3000-2800 av. J.-C.). Ils sont présents dès les débuts des premières civilisations, mais leur haut degré d'élaboration suggère une préhistoire plongeant plus loin dans le temps.

Dans les jeux de parcours tels que définis plus haut (diagramme unidimensionnel, progression linéaire des pions, assujettissement à un générateur de hasard), la résolution du conflit entre deux pions adverses arrivés sur une même case offre un intéressant critère discriminant. On peut ainsi énumérer les situations quand deux pions adverses se retrouvent sur une même case :

– rien ou presque (jeux de parcours simples, comme le jeu de l'oie ou le snakes & ladders) ;

– le pion occupant est évincé et renvoyé au départ par le pion arrivant (schéma assez répandu : en Asie, nyut coréen, pachisi indien, damage chinois ; en Amérique, le patolli aztèque et ses cousins amérindiens) ;

– le pion occupant est mis sur la touche et bloqué ; il ne peut revenir en jeu qu'au prix d'une combinaison donnée (famille du trictrac/backgammon) ;

– le ou les pions occupants sont capturés par le pion arrivant et définitivement retirés du jeu : ce sont les jeux de parcours avec capture.

On voit s'esquisser là une progression dans le contrôle des cases qui s'accompagne généralement d'options plus nombreuses et de possibilités tactiques plus riches.

Tab wa-duk - crédits : Encyclopædia Universalis France

Tab wa-duk

Avec le « blocage », qui semble réservé à la famille du trictrac/backgammon et peut-être à ses ancêtres méditerranéens (senet égyptien, voire « jeu des vingt cases » et pente grammai grec...), les choix décisionnels se multiplient. Enfin, la capture proprement dite permet d'ajouter un facteur de victoire : éliminer les pièces adverses. Le tāb arabo-musulman offre le schéma d'un jeu transitionnel presque parfait : le caractère unidimensionnel du parcours est indiscutable, car les pions n'ont d'autre choix que d'avancer de case en case jusqu'au bout en suivant un circuit préétabli ; chaque joueur dispose d'un grand nombre de pions (parfois plus de vingt) et peut, dans un certain nombre de cas, faire porter son choix sur l'un ou l'autre pion en jeu et ainsi choisir entre avancer ou capturer. Le tāb est un bon représentant des jeux mixtes à information complète, qui paraissent dominer[...]

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Écrit par

  • : licencié ès lettres, ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers, historien du jeu

Classification

Médias

Jeu de l'awélé - crédits : Santiago Urquijo/ Moment Unreleased/ Getty Images

Jeu de l'awélé

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Thaayam

Komikan - crédits : Encyclopædia Universalis France

Komikan

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