JEUX OLYMPIQUES La R.D.A. et les Jeux
Une fusée olympique à plusieurs étages
Dans l'esprit des dirigeants politiques de la R.D.A., participer aux Jeux ne signifie nullement y faire de la figuration, mais bien remporter des médailles. Le pays s'appuie certes depuis longtemps sur l'efficacité de son système de détection et de « préparation » des futurs champions, mais il développe aussi sa politique olympique selon deux axes forts : obtenir tout de suite des médailles en mettant d'abord l'accent sur les disciplines « secondaires » des Jeux, délaissées par les grandes puissances sportives, avant de s'attaquer aux sports phares des Jeux d'été (athlétisme et natation) ; présenter une délégation féminine redoutable, car le sport féminin ne constitue pas une priorité en Occident, ce qui laisse de nombreuses places potentielles sur les podiums.
Aux Jeux de Mexico, en 1968, la R.D.A. (neuf médailles d'or, vingt-cinq médailles au total) se positionne déjà à la cinquième place du classement des nations, devant la R.F.A., huitième (cinq médailles d'or, vingt-six médailles au total). Pour les deux Allemagnes, les Jeux de Munich, en 1972, constituent un rendez-vous essentiel : l'affrontement sportif devient une question de suprématie locale. Le duel allemand voit une nette victoire de la R.D.A. (vingt médailles d'or, soixante-six médailles au total), troisième place du bilan, alors que la R.F.A., « humiliée » par sa voisine sur son sol, est quatrième (treize médailles d'or, quarante médailles au total). Sa politique de valorisation des « petits » sports permet à la R.D.A. de se placer en tête du bilan en aviron (sept médailles, dont trois en or) et en canoë-kayak (six médailles, dont quatre en or) et d'obtenir des médailles dans treize des vingt et un sports au programme. Sa démarche de promotion du sport féminin porte ses fruits : les Allemandes de l'Est s'adjugent vingt-cinq médailles, dont neuf en or ; en athlétisme, les femmes apportent à la R.D.A. six de ses huit médailles d'or et treize de ses vingt médailles. Walter Ulbricht, président du Conseil d'État de la R.D.A., se félicite des succès de ces « diplomates en survêtement »...
En 1976, donc, la R.D.A. se positionne comme la deuxième nation au bilan des Jeux de Montréal. La fusée olympique est-allemande déploie son deuxième étage. Son assise dans certains sports « annexes » étant établie, la R.D.A. s'attaque aux disciplines reines des Jeux d'été : l'athlétisme et la natation. En athlétisme, grâce aux performances de son équipe féminine (neuf médailles d'or sur quatorze possibles, dix-neuf médailles au total), elle occupe la première place (onze médailles d'or, vingt-sept médailles au total). En natation, les gamines prises en main depuis une dizaine d'années arrivent à « maturité », c'est-à-dire qu'elles sont âgées de quinze à dix-huit ans : les nageuses est-allemandes aux larges épaules remportent onze des treize épreuves !
Le « projet » olympique est-allemand est abouti ; le dernier étage de la fusée consiste à le pérenniser. Lors des caricaturaux Jeux de Moscou, en 1980, la R.D.A. obtient quarante-sept médailles d'or et cent vingt-six médailles au total. En 1988, à Séoul, à l'occasion de Jeux débarrassés des boycottages ou presque, la R.D.A. s'adjuge trente-sept médailles et cent deux médailles au total ; comme à Montréal, elle se classe deuxième du bilan des nations, derrière l'U.R.S.S., mais devant les États-Unis.
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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