JEUX OLYMPIQUES La R.D.A. et les Jeux
La révélation d'une imposture
La chute du Mur de Berlin, en novembre 1989, ne signifie pas la mise au ban des sportifs est-allemands. Ceux-ci intègrent l'équipe de l'Allemagne unifiée qui participe aux Jeux en 1992, car le chancelier Helmut Kohl se prononce en faveur du maintien d'un sport de haut niveau en Allemagne.
Aux jeux Olympiques d'hiver d'Albertville, la réunification allemande produit un beau résultat : l'Allemagne occupe la première place du bilan, avec dix médailles d'or et vingt-six médailles au total (en 1988, la R.D.A. occupait la deuxième place [neuf médailles d'or, vingt-cinq médailles au total], la R.F.A. la huitième [deux médailles d'or, huit médailles au total]). Parmi les lauréats figurent plusieurs champions et championnes naguère est-allemands : Uwe-Jens Mey, Gunda Niemann, Jacqueline Börner (patinage de vitesse), Stefan Krausse et Jan Behrendt (luge), Antje Harvey (biathlon), entre autres. Mais l'embellie ne dure que le temps d'un printemps. En effet, aux Jeux d'été de Barcelone, l'équipe de l'Allemagne unifiée connaît un semi-revers : elle se classe certes troisième du bilan des nations, mais, avec trente-trois médailles d'or et quatre-vingt-deux médailles au total, elle n'égale pas le résultat de la seule R.D.A. en 1988 (trente-sept médailles d'or, cent deux médailles au total). En outre, c'est surtout le bilan médiocre de la délégation féminine qui interpelle : les Allemandes s'adjugent vingt médailles (dont dix en or), alors que les Allemandes de l'Est avaient remporté cinquante et une médailles (dont vingt en or) à Séoul ; en natation, une seule Allemande est championne olympique (Dagmar Hase, issue de la R.D.A.), alors que les Allemandes de l'Est s'étaient adjugé onze médailles d'or en seize courses à Séoul ! En fait, seules deux championnes qui se distinguèrent sous le maillot de la R.D.A. continueront réellement d'enrichir leur palmarès sous les couleurs de l'Allemagne unifiée : Birgit Fischer (kayak) et Heike Drechsler (athlétisme).
La Stasi a détruit beaucoup de ses archives avant la chute du Mur, mais pas toutes. L'analyse des documents restants permettra de révéler toute la mécanique sportive est-allemande, instituée au mépris de l'éthique mais surtout de la santé des sportifs. « Médecins » et « scientifiques » avaient carte blanche pour élaborer les plus sophistiquées des techniques de dopage et contourner les contrôles. Plus de dix mille sportifs ont subi ce dopage contraint. Des programmes dénommés « u.M » (unterstützende Mittel, « moyens de soutien ») planifiaient soigneusement le dopage, qui touchait chaque année deux mille personnes, surtout les filles : toutes ces gamines absorbaient des pilules qualifiées de « vitamines » par leurs entraîneurs (il s'agissait le plus souvent de stéroïdes anabolisants et de produits androgènes qui entravaient leur maturation sexuelle, provoquaient une acné sévère et une altération de la voix). Avant toutes les grandes compétitions internationales, des tests antidopage locaux permettaient de s'assurer que les contrôles officiels donneraient un résultat négatif : en cas de doute, le sportif n'était pas inscrit pour la compétition...
Des procès auront certes lieu : en 2000, les deux plus hauts responsables du sport est-allemand, Manfred Ewald, président de la Confédération des sports de la R.D.A. de 1963 à 1968 et président du Comité olympique est-allemand de 1973 à sa dissolution, et Manfred Höppner, directeur du Service de médecine sportive est-allemand, sont condamnés par un tribunal de Berlin pour « complicité de blessures corporelles » sur cent quarante-deux jeunes athlètes est-allemandes. Leurs peines : vingt-deux mois et dix-huit mois de prison respectivement, avec sursis. Un verdict bien clément[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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