JEUX OLYMPIQUES Le relais de la flamme olympique
L'identité du dernier relayeur
Le choix du dernier relayeur revêt une importance certaine : c'est lui qui se trouvera le premier sous le feu des médias ; le comité d'organisation envoie souvent par sa personne un message au monde entier, lequel donne parfois la teneur des Jeux qui s'ouvrent tout en soudant le pays hôte ; son identité est jalousement gardée secrète jusqu'au dernier moment, ce qui permet d'échafauder de multiples hypothèses...
Dès 1952, le comité d'organisation des Jeux d'été d'Helsinki rend hommage au plus grand champion finlandais de tous les temps et adresse un pied-de-nez au CIO : Paavo Nurmi, radié pour « professionnalisme » en 1932 alors qu'il s'apprêtait à disputer le marathon olympique à Los Angeles, embrase l'une des deux vasques (Hannes Kolehmainen, autre célèbre coureur de fond, embrase la seconde). Avery Brundage, le chantre de l'amateurisme qui s'apprête à prendre les rênes du CIO, goûte-t-il l'humour finlandais ? En 1964, les Jeux de T̄okȳo débutent par un grand moment d'émotion : Yoshinori Sakai, l'« enfant d'Hiroshima », né le jour même où l'explosion de la bombe atomique détruisit la ville, pénètre dans le stade en portant la torche. En 1968, à Mexico, alors que le monde occidental s'apprête à vivre d'importantes évolutions sociétales, c'est pour la première fois une femme, Enriqueta Basilio, qui embrase la vasque. En 1976, à Montréal, dans ce Canada où la question linguistique est si sensible, on choisit de célébrer la jeunesse et la communion entre francophones (représentés par Stéphane Préfontaine) et anglophones (Sandra Henderson).
En 1988, la Corée du Sud solde les comptes avec son passé : Sohn Kee-chung remporta le marathon dès Jeux de Berlin en 1936 ; son pays était alors occupé par le Japon et il se nommait Son Kitei ; il baissa la tête, honteux, sur le podium ; voici le vieil homme qui pénètre sous les applaudissements dans le stade avec la torche. En 1996, à Atlanta, les États-Unis rendent hommage à un champion qu'ils avaient naguère honni en raison de ses positions contre la guerre du Vietnam et en faveur de la cause des Afro-Américains : Muhammad Ali, diminué par la maladie de Parkinson, embrase la vasque dans la ville de Martin Luther King.
À Sydney, en 2000, l'Australie verse elle aussi dans la repentance : elle honore ses premiers habitants, les Aborigènes, en la personne de Cathy Freeman. En 2002, les Jeux d'hiver se déroulent à Salt Lake City sous haute tension, car il s'agit du premier événement d'envergure organisé depuis les attentats terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone le 11 septembre 2001. L'Amérique veut réaffirmer au monde sa puissance et sa volonté : qui pouvait mieux incarner cette détermination que les hockeyeurs américains, lesquels, en 1980, dans le contexte de la guerre froide, avaient vaincu les maîtres soviétiques, réalisant le « miracle sur glace » ? En 2008, à Pékin, Li Ning symbolise la nouvelle Chine : en 1984, alors que la Chine populaire faisait son entrée aux Jeux, le gymnaste remporta trois médailles d'or ; il est par la suite devenu un homme d'affaires avisé en créant une marque de vêtements florissante. En 2018, à Pyeongchang, la patineuse artistique sud-coréenne Kim Yu-na allume la flamme olympique, après l’avoir reçue des mains d'une Sud-Coréenne et d'une Nord-Coréenne. À Tōkyō, lors de l’olympiade suivante, Naomi Osaka, joueuse de tennis japonaise, embrase la vasque.
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Média