JEUX OLYMPIQUES Les boycottages des Jeux
Des raisons cachées en 1980 et en 1984 ?
Les boycottages des Jeux de 1980 et de 1984 sont présentés par leurs initiateurs comme des actes politiques forts destinés à marquer l'opinion internationale, et uniquement comme tels. En fait, comme souvent, les motivations s'avèrent plus complexes. Concernant les Jeux de Moscou, Jimmy Carter n'invoque que l'invasion de l'Afghanistan par l'Armée rouge. Mais il existe des raisons plus obscures. Sur le plan intérieur, sa cote de popularité se trouve au plus bas, à quelques mois de l'élection présidentielle, l'opinion lui reprochant notamment de laisser le pays s'empêtrer dans l'affaire des otages de l'ambassade américaine à Téhéran. Il lui faut un acte fort pour tenter de redresser la barre : boycotter les Jeux de Moscou sera celui-ci. En outre, aux Jeux de Montréal, en 1976, les États-Unis ont essuyé un camouflet sportif : avec trente-quatre médailles d'or, ils ont été devancés au classement des nations non seulement par l'U.R.S.S. (quarante-neuf médailles d'or), mais aussi par la R.D.A. (quarante médailles d'or). Or tout indique que, à Moscou, l'humiliation serait plus importante encore... De ce point de vue, le boycottage des Jeux sied parfaitement aux dirigeants du mouvement olympique américain.
De même, si Konstantin Tchernenko, le numéro un soviétique, prit officiellement la décision de boycotter les Jeux de Los Angeles, l'un des principaux instigateurs de cette affaire est Marat Gramov, président du Comité national olympique soviétique et ministre des Sports de l'U.R.S.S., appuyé par Mikhaïl Gorbatchev. Quelques semaines plus tôt, les Jeux d'hiver de Sarajevo avaient vu une révolution dans le bilan des nations : pour la première fois, la petite R.D.A. occupait la première place, devant l'U.R.S.S. Or tout indique que la R.D.A. pourrait bien devancer de nouveau l'U.R.S.S. à l'occasion des Jeux d'été de Los Angeles. Un tel revers, en territoire américain, donc ennemi, constituerait un camouflet pour Moscou et coûterait sans nul doute sa carrière à Gramov. Pour lui, il est donc plus « sage » de ne pas participer aux Jeux. Gramov s'appuie sur des prétextes (les sentiments antisoviétiques encouragés aux États-Unis, la sécurité des sportifs...). Il s'assure du soutien, notamment, d'Andreï Gromyko, ministre des Affaires étrangères, et de Mikhaïl Gorbatchev, qui est alors un des membres les plus influents du politburo et que les choses sportives et olympiques ne passionnent guère – durant les six années qu'il passera à la tête de l'U.R.S.S., il ne rencontrera jamais Juan Antonio Samaranch, président du C.I.O.
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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