JEUX OLYMPIQUES Les Jeux et la guerre froide
Les Jeux d'hiver de Lake Placid, en 1980, se déroulent alors que la guerre froide connaît un moment de haute tension. En décembre 1979, l'Armée rouge a pénétré en Afghanistan pour soutenir militairement le régime communiste de Babrak Karmal. Le président des États-Unis Jimmy Carter, affaibli par le marasme économique et par l'affaire des otages de Téhéran (une soixantaine d'Américains sont séquestrés depuis le 4 novembre 1979 par les « étudiants islamiques » qui réclament l'extradition du shah en échange de leur libération) à moins d'un an de l'élection présidentielle, tente de redorer son blason par une initiative forte. Le 20 janvier 1980, il adresse un ultimatum à Leonid Brejnev, le numéro un soviétique, exigeant le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan, et brandit la menace du boycottage des Jeux d'été de Moscou.
C'est dans ce climat que se déroule, le 22 février 1980, le match de hockey sur glace opposant l'U.R.S.S. aux États-Unis. Aucun chroniqueur sportif sérieux ne peut envisager une victoire américaine, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'U.R.S.S. domine le hockey sur glace « amateur » olympique et mondial : depuis son arrivée aux Jeux, en 1956, elle n'a laissé échapper le titre qu'une seule fois, en 1960 à Squaw Valley ; les Soviétiques ont remporté quatorze des dix-sept derniers Championnats du monde. Ensuite, les meilleurs hockeyeurs américains évoluent dans la National Hockey League (N.H.L.) : ils sont donc « professionnels », ce qui leur ferme la porte des Jeux ; Herb Brooks, le coach de l'équipe, doit donc faire appel à de jeunes joueurs universitaires pour composer sa formation. Enfin, en 1979, l'équipe des États-Unis n'a terminé que septième du Championnat du monde remporté par l'U.R.S.S. et, peu avant les Jeux, les Soviétiques ont écrasé les Américains (10 buts à 3) lors d'un match-exhibition.
Le tournoi olympique de hockey sur glace de Lake Placid se déroule en deux phases : durant la première, les douze équipes sont réparties en deux poules de six ; les deux premiers de chaque poule accèdent à la phase finale (le résultat des matchs de poules est pris en compte pour établir le classement définitif). Lors de la première phase, l'U.R.S.S. a gagné assez facilement ses cinq matchs et s'est qualifiée en compagnie de la Finlande, qu'elle a battue 4 buts à 2. Les États-Unis, de leur côté, ont réalisé de belles performances : après avoir fait match nul avec la Suède (2 buts partout), ils ont remporté les quatre rencontres suivantes, dominant même la Tchécoslovaquie (7 buts à 3), qui seule semblait en mesure de contrarier les ambitions soviétiques. U.R.S.S., Finlande, États-Unis et Suède accèdent à la seconde phase et vont se disputer le titre. Au fil des matchs, les jeunes Américains, galvanisés par Herb Brooks, un entraîneur inflexible et charismatique, ont pris confiance. Néanmoins, Brooks lui-même n'envisage pas l'exploit ; il espère seulement que ses joueurs vont faire bonne figure face aux maîtres soviétiques, qui comptent dans leurs rangs certains des plus grands champions de l'histoire de ce sport (le gardien de but Vladislav Tretiak, le défenseur Slava Fetisov, les attaquants Vladimir Kroutov, Boris Mikhaïlov, Sergueï Makarov et Alexander Maltsev...).
Cette rencontre mobilise rapidement le peuple américain : le Field House (huit mille cinq cents places) est archicomble. La chaîne de télévision N.B.C. tente même de faire modifier l'horaire du match, prévu à 17 heures : elle souhaite qu'il soit décalé à 20 heures, pour rassembler en nombre les téléspectateurs américains ; elle essuie un ferme refus soviétique.
Durant le premier tiers-temps, la domination soviétique est manifeste, mais elle ne se traduit pas au score :[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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