HENDRIX JIMI (1942-1970)

Are You Experienced ?

La consécration arrive en 1967. Après les 45-tours Hey Joe (avec Stone Free en face B) en décembre 1966 et Purple Haze au début de 1967, paraît, le 12 mai 1967, le premier 33-tours de la Jimi Hendrix Experience, Are You Experienced ? Outre Hey Joe et Purple Haze, on y entend des morceaux devenus des classiques : Foxy Lady, Manic Depression, Red House, Fire, The Wind Cries Mary... La musique populaire franchit alors un seuil, que le recul historique permet de mesurer à l'aune des milliers d'épigones qui imitèrent son style. Le festival de Monterey (18 juin 1967), en Californie, réinstalle Hendrix aux États-Unis. L'album Axis : Bold as Love, en décembre 1967, explore de nouvelles voies avec Little Wing ou Castles Made of Sand, un chef-d'œuvre.

Pendant quatre ans, Hendrix plane parmi les pop stars, écartelé entre l'argent trop facile et la désespérance quotidienne, les paradis artificiels et le sordide business, le public idolâtre et la solitude du créateur. L'album le plus abouti, Electric Ladyland, est enregistré en 1968 avec Redding, Mitchell, Jack Casady à la basse et Steve Winwood à l'orgue. On y trouve les deux versions de Voodoo Chile, Crosstown Traffic, Burning of the Midnight Lamp, l'extraordinaire Moon, Turn the Tides ou la reprise de All Along the Watchtower de Dylan. Le studio Electric Lady, implanté à Greenwich Village, conçu pour Hendrix mais ruineux, multiplie ses prestations avec les jazzmen (John McLaughlin, Dave Holland...) ou les guitaristes du blues électrique, comme Johnny Winter ; Miles Davis rend hommage à Jimi Hendrix dans ses albums In a Silent Way et Bitches Brew (1969). Lorsqu'il monte sur scène au festival de Woodstock en août 1969, Hendrix interprète dans un style psychédélique, proche du free jazz parfois, une version pacifiste de l'hymne américain (publiée en 1994 dans l'album posthume Jimi Hendrix : Woodstock, MCA). Le 31 décembre de la même année, au Fillmore East de New York, il donne un concert que reprendra en 1970 l'album Band of Gypsys ; tous les musiciens sont des Noirs, cette fois-ci. Le discours est d'ailleurs plus politisé, et le très justement célèbre Machine Gun sonne comme un hommage fraternel aux soldats américains pris dans le bourbier vietnamien.

Hendrix meurt le 18 septembre 1970 à Londres, dans des circonstances qui demeurent troubles. Une intense activité discographique et filmique s'est déroulée depuis sa mort : publication d'inédits, d'albums inachevés, de concerts live. Des livres se sont écrits, mais les souvenirs de ceux qui l'ont approché sont impuissants à rendre les formidables vibrations de violence sauvage, de tristesse et d'amour qui ont fondé le mythe de cet homme-guitare.

Il a manqué à Jimi Hendrix deux choses pour occuper dans l'histoire de la musique populaire une place égale à celle de Bob Dylan : une voix et un projet de carrière. Une voix, car la sienne, chaude et troublante dans la parole (on peut l'entendre par exemple dans l'album posthume BBC Sessions, 1998), devient parfois plus terne dans le chant quand elle se laisse submerger par les guitares en furie. Un projet ensuite, toujours aléatoire quand on est un Noir aux États-Unis. Même au plus fort de sa gloire, il a connu les contrats suspects, les amis douteux, les prestations mal ficelées et l'autodestruction par les drogues.