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GIUFFRE JIMMY (1921-2008)

Figure centrale du mouvement West Coast, Jimmy Giuffre propose un jazz de chambre subtil et feutré qui avoue de profondes affinités avec la musique classique européenne. Sa délicatesse a tout d'abord conquis un vaste public et enthousiasmé la critique. Son évolution, au début des années 1960, vers des formes, plus libres, qui anticipent le free jazz, en cours d'éclosion, a dérouté à la fois les amateurs et les chroniqueurs spécialisés. L'homme et sa musique ont alors sombré dans un profond oubli. C'est de France que viendront une bien tardive reconnaissance et l'hommage que lui vaut l'originalité de son immense talent.

James Peter Giuffre naît le 26 avril 1921 à Dallas (Texas). Dès ses neuf ans, il s'initie à la clarinette, instrument qui restera son principal moyen d'expression. Il mène ses études musicales au North Texas State Teachers College et joue dans divers groupes de danse ainsi que dans des formations classiques. Pendant ses quatre années de service militaire (1942-1946), il fait partie d'un orchestre de l'armée de l'air américaine. Il figure ensuite dans les formations de Boyd Raeburn (1946), de Gene Roland et de Jimmy Dorsey (1947). Parallèlement, il travaille longuement la composition avec le pédagogue « classique » Wesley La Violette (1947-1952) ; à son contact, il développe une grande maîtrise du contrepoint et apprivoise couleurs et rythmes hérités de Debussy et de Bartók.

Jimmy Giuffre offre en 1947 un premier coup d'éclat au quatuor de saxophones vedette – trois ténors et un baryton – du « deuxième troupeau » de Woody Herman. Le thème qu'il compose et arrange pour Stan Getz, Zoot Sims, Herbie Steward et Serge Chaloff, Four Brothers, est un petit chef-d'œuvre d'écriture où le jeu collectif se marie admirablement aux envolées individuelles. Il rejoint un temps la formation du batteur Buddy Rich (1948) avant de remplacer Zoot Sims chez Woody Herman (1949). Maître incontesté de la clarinette, il montre une même aisance à la flûte qu'au sein de la famille des saxophones (baryton, ténor et soprano). Jimmy Giuffre se produit beaucoup sur la côte ouest des États-Unis, avec le Lighthouse All Stars d'Howard Rumsay (1951-1953), avec Shelly Manne (1952-1955) et avec Shorty Rogers and His Giants (1953-1956). Il écrit une œuvre abondante et dirige à partir de 1956 de petits groupes sans piano ni batterie. L'essentiel de sa discographie – chez Capitol (1954-1955), Atlantic (1956-1958) puis Verve (1959-1961) – date de cette époque. Parmi ses partenaires habituels, il faut retenir les noms des bassistes Ralph Peña et Ray Brown, du saxophone ténor Lee Konitz, du guitariste Jim Hall et de Bob Brookmeyer au trombone à valve. Avec ces deux derniers musiciens il triomphe au festival de Newport 1958 sur un morceau fugué intitulé The Train and the River ; cette interprétation figure dans le film Jazz on a Summer's Day (1960) qui est tourné à cette occasion.

Dans un univers qui ne renie pas les influences de Lennie Tristano et de George Russell, Jimmy Giuffre mêle, dans une sorte d'impressionnisme pastel, une pincée de blues, les harmonies du be bop et le doux balancement d'un swing tranquille. Sa sonorité, sombre et veloutée, s'évade rarement du registre grave de l'instrument. Des attaques tout en souplesse et des confidences chuchotées à l'oreille, brouillées parfois par quelques accents rauques venus de La Nouvelle-Orléans, construisent une musique essentiellement faite de transparences, de fluide sensualité, d'intelligence. La sophistication peut conduire à la simplicité.

En 1957, Jimmy Giuffre enseigne à l'école d'été de jazz à Lennox (Massachusetts). Il y rencontre Pee Wee Russell, le Modern Jazz Quartett (M.J.Q.) mais aussi un futur révolutionnaire nommé Ornette Coleman. Dès le début des années[...]

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