JINISME ou JAÏNISME
La doctrine jaina
Si les digambara nient l'authenticité du corpus canonique fixé par les śvetāmbara, ce corpus n'en contient pas moins l'essentiel de la doctrine. Aussi est-il possible de s'y référer pour les deux groupes. Les enseignements respectifs des digambara et des śvetāmbara, issus d'une tradition rigoureusement transmise et fixée avant le schisme, concordent en effet le plus souvent.
Deux exposés systématiques complètent d'ailleurs ce canon : le Pravacanasāra, ou Essence de la doctrine, du digambara Kundakunda, qui contient deux cent soixante-quinze strophes prākrites, et qui est traditionnellement daté du ier siècle après J.-C. ; le Tattvārthādhigamasūtra, ou Sūtra de l'accès au sens des principes, d'Umāsvāti, qui comprend trois cent cinquante sūtra ou « aphorismes ». Écrit en sanskrit, ce sūtra apparaît comme une réponse aux « textes fondamentaux des divers systèmes philosophiques brahmaniques ». Ces deux précis dogmatiques ont pour but d'instruire les fidèles et de les guider vers la Délivrance.
Logique, physique et cosmologie
Le chemin de la Délivrance est constitué par trois joyaux : la droite « connaissance » ( jñāna), la droite « vue » ou « foi » ( darśana) et la droite « conduite » (cāritra). C'est dans le canon, divisé en quatre grandes sections constituées chacune par un certain nombre de traités, et dans les commentaires de ce canon que se trouve la base de la dogmatique. La connaissance, attribut essentiel de l'âme, s'acquiert selon deux normes de savoir valide (pramāṇa) : l'une médiate (parokṣa), l'autre immédiate (pratyakṣa). La première repose sur une perception indirecte faisant appel à des instruments sensoriels. Elle peut être représentative (mati), dépendante de l'expérience personnelle ; mais aussi traditionnelle (śruta), acquise ex auditu à l'aide de l'enseignement du Jina et des textes sacrés. Ces deux degrés de connaissance sont complémentaires et, par suite, indissolublement liés. La connaissance immédiate permet la perception directe, sans intermédiaire sensoriel. Elle comporte trois degrés : l'avadhi-jñāna, appréhension directe des objets matériels, qui peut être innée (pour les êtres célestes et les êtres infernaux) ou acquise (chez l'homme) ; le manaḥ-paryāya-jñāna, atteignant les « modes mentaux », c'est-à-dire les pensées d'autrui ; le kevala-jñāna ou omniscience, qui est le plus haut degré et qui, comprenant tous les autres, désigne la connaissance absolue et parfaite.
Cette logique jaina est complétée par la doctrine du syād-vāda ou des différentes « possibilités » et par celle du naya-vāda ou des « méthodes ». La première est la doctrine du « peut-être », et elle recouvre sept formes d'assertions, selon que l'objet « peut être » : tel, non tel, tel et non tel, « inexprimable » (avaktavya), etc. ; ainsi lorsqu'on cherche à affirmer simultanément ce qui ne peut l'être que successivement, etc. Il s'agit d'une méthode de connaissance synthétique, s'opposant à celle du naya-vāda, qui est analytique : l'objet, cette fois, n'est plus considéré dans sa totalité, mais d'après l'un de ces sept points de vue principaux : qualités génériques et spécifiques ; qualités génériques ; qualités spécifiques ; qualités présentes ; point de vue conforme à l'usage ; point de vue conforme à l'étymologie ; ou point de vue de l'activité du signifié en relation avec le sens étymologique du signifiant.
Le jinisme est un substantialisme pluraliste qui insiste sur la réalité du changement (pariṇāma). « Il admet que la substance (dravya) est le support de qualités fondamentales (guṇa) et se manifeste selon des modes transitoires (paryāya). » Cinq[...]
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Écrit par
- Colette CAILLAT : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Marie-Simone RENOU : membre de l'École française d'Extrême-Orient, diplômée de l'École pratique des hautes études
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