Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

JINISME ou JAÏNISME

Le chemin de la Délivrance

La vie en religion, la seule où le « dépassionnement » soit totalement possible, conduit à la Délivrance, ou plutôt, selon la terminologie jaina, à « l'Accomplissement » (siddhi), la « Perfection ». S'il est sain de corps et d'esprit, un enfant, à partir de l'âge de sept ans et demi, est admis à quitter le monde en abandonnant ses biens. Après un noviciat de quatre mois environ sous l'autorité absolue d'un maître spirituel, il peut recevoir la consécration, au cours de laquelle, les cheveux rasés (ils le seront par la suite périodiquement), il revêt la robe monastique, reçoit un nom nouveau et prononce les cinq vœux. Il est ainsi devenu moine et membre de la communauté, et il entre dans un de ses groupements, sous la direction de maîtres hiérarchisés et relevant du maître par excellence, le guide des fidèles dans la pratique de la Loi, l'Ācārya. À l'exemple du Mahāvīra, il sera itinérant, en dehors, cependant, du temps de la mousson. Engagé par le cinquième vœu à ne rien posséder, il reçoit toutefois un équipement monastique : une robe ou plutôt une pièce d'étoffe, qu'il lui est interdit de laver et de raccommoder ; une calebasse de bois ou d'argile, qui lui servira de bol à aumône ; un court balai destiné à écarter les animalcules devant ses pas, alors qu'une pièce de mousseline placée devant sa bouche les protégera de son souffle.

Ses jours et ses nuits sont divisés en quatre parties égales (pauruṣī ), dont chacune est réservée à une occupation fixe : étude, méditation, déplacement ou tournée d'aumône, sommeil. Il doit se livrer à l'étude des textes et connaître certaines formules : de confession, d'annonce de recueillement, de refus de nourriture... Il ne doit manger que le jour pour mieux contrôler les aliments et pour éviter ainsi de porter atteinte à des animalcules. Les repas journaliers sont souvent réduits par des prescriptions de jeûne. Religieux, ou même laïcs, peuvent d'ailleurs être autorisés à poursuivre le jeûne jusqu'à ce que la mort s'ensuive.

Le moine est tenu de confesser ses moindres défaillances à son supérieur et doit se livrer pour les racheter à des pénitences minutieusement prévues. Solidaire de tous les autres membres de la communauté, il lui est enjoint de pratiquer toutes les formes d'entraide. Il doit enfin dispenser son soutien spirituel aux fidèles laïcs, qui, en retour, apportent à la communauté leur contribution en assurant la vie matérielle des religieux, en construisant et en entretenant des temples, et en soutenant généreusement les déshérités, parmi lesquels ils placent les animaux vieux et malades, qu'ils recueillent dans des hôpitaux spéciaux. Les laïcs sont étroitement intégrés à la communauté. Celle-ci, en effet, est quadripartite et comprend non seulement les moines et les nonnes mais les fidèles, hommes et femmes, astreints, eux aussi, à l'observance de vœux.

Tout Jaina s'engage à respecter cinq interdits : ne pas nuire aux êtres vivants ; ne pas mentir ; ne pas s'approprier ce qui n'a pas été donné ; ne pas manquer à la chasteté ; ne pas s'attacher aux possessions matérielles ; en outre, ne pas manger de nuit. Pour les religieux, les cinq premiers interdits atteignent un caractère d'extrême rigueur qui leur confère le titre de vœux majeurs. Le laïc n'est soumis qu'à des vœux mineurs, mais ceux-ci sont complétés par sept règles de moralité : s'interdire toute action inutile qui risque d'être nuisible ; borner à un certain périmètre ses activités séculières ; s'imposer la modération ; méditer plusieurs fois par jour ; limiter ses occupations ; jeûner et veiller au moins chaque quinzaine ; distribuer toutes les sortes d'aumônes. Ainsi la vie du laïc, en s'élevant de perfection en perfection, pourra rejoindre la vie religieuse.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : membre de l'École française d'Extrême-Orient, diplômée de l'École pratique des hautes études

Classification

Autres références

  • AHIṂSĀ

    • Écrit par
    • 465 mots

    Le mot sanskrit ahiṃsā, qui désigne, dans les religions de l'Inde, la non-violence (ou la non-nuisance) et même l'absence de toute intention de nuire, est composé du préfixe privatif a et de HIṂS, forme désidérative abrégée de la racine HAN (« frapper », « blesser », « tuer »)....

  • ASCÈSE & ASCÉTISME

    • Écrit par
    • 4 669 mots
    • 1 média
    ...Parallèlement à ce riche déploiement des techniques de maîtrise du corps et de l'esprit dans l'hindouisme, les deux grands mouvements « hérétiques » que sont le jaïnisme et le bouddhisme ont développé leur propre conception de l'ascèse. L'un et l'autre se fondent sur la distinction des moines, qui prononcent...
  • BHUBANEÇWAR

    • Écrit par
    • 1 936 mots
    • 1 média
    Si lejaïnisme fut au Kaliṅga, dans les premiers siècles qui précédèrent et qui suivirent notre ère, la religion d'État, le bouddhisme, dont on ne retrouve plus de témoignage à Bhubaneçwar même, est cependant abondamment représenté un peu au nord. À Lalitagiri, Ratnagiri et Udayagiri, qui composaient...
  • DĪVĀLĪ ou FÊTE DES LUMIÈRES

    • Écrit par
    • 462 mots
    • 1 média

    La fête des lumières, Dīvalī (du sanskrit dīpavali, « rangée de lumières »), est l’une des plus importantes dans la religion hindoue. Les jaïna et les sikhs l’ont aussi reprise à leur propre compte. La fête dure cinq jours, du treizième jour de la quinzaine sombre du mois d’āśvina...

  • Afficher les 20 références