KYLIÁN JIŘÍ (1947- )
Des horizons toujours plus vastes
Jiří Kylián aurait pu explorer longtemps ce filon, mais il va surprendre son public. En 1983, il signe l'étonnant Stamping Ground (Carlos Chávez), inspiré par la danse des aborigènes australiens. La technique de Jiří Kylián évolue, elle se nourrit d'autres influences et s'oriente vers des directions inattendues. L'Enfant et les sortilèges (1984) explore avec une intelligence et une sensibilité aiguës l'univers magique de Maurice Ravel et de sa librettiste, Colette. Ce petit chef-d'œuvre, aux portes du théâtre, révèle un Kylián qui ne nourrit pas son expression aux seules sources de la gestuelle du ballet. L'artiste se complaît aux frontières de l'ombre et de la lumière, du mystère et de l'évidence. Cette préoccupation sera de plus en plus sensible dans les œuvres suivantes. Kaguyahime (1988, Maki Ishii) reprend une légende japonaise et le chorégraphe montre une nouvelle fois son attachement à la musique japonaise, qu'il a choisie plusieurs fois pour ses ballets.
L'art de Jiří Kylián devient de plus en plus complexe ; il s'ouvre au champ du non-dit, à l'espace du trompe-l'œil (une pièce datant de 1996 porte d'ailleurs ce titre) ; il s'enrichit de superbes métaphores comme dans Petite Mort (1991, Mozart), Bella Figura (1995) ou Wing of Wax (1997). Le plus souvent, Kylián ne choisit plus une partition unique, avec sa couleur propre et sa structure établie, mais il crée ses chorégraphies à partir de montages musicaux, ce qui lui permet de varier les ambiances dramatiques et de venir ainsi troubler le spectateur habitué à des cheminements linéaires. Chacun de ses ballets porte sa chape de mystère, comme si le chorégraphe voulait faire admettre que, dans la vie, rien n'est simple, ni direct. Dans One of a Kind (1998), il s'interroge sur le sens de la liberté et du pouvoir, et dans Doux Mensonges (1999), une commande de l'Opéra de Paris, sur la secrète alchimie qui lie les êtres. En même temps, la danse de Kylián apparaît elle-même plus complexe, comme s'il effaçait les frontières entre les techniques, les disciplines. « Le corps est si riche qu'il ne peut être cloisonné », affirme-t-il pour expliquer ces altérations de la forme, ces passages volontaires d'un style à un autre, pour peu que le besoin s'en fasse sentir.
C'est dans cet ordre d'idée que Jiří Kylián a choisi de créer non pas une, mais trois compagnies au sein du Nederlands Dans Theater, offrant un exemple unique dans le monde chorégraphique contemporain. Il y a ainsi les juniors (N.D.T. 2, depuis 1982), les seniors (N.D.T. 1) et leurs aînés ayant souvent largement dépassé la quarantaine (N.D.T. 3, depuis 1991). Ces trois générations ont été symboliquement réunies par Jiří Kylián dans sa pièce Arcimboldo 2000, créée cette année-là pour les quarante ans de la troupe et ses vingt-cinq ans de présence à La Haye. Tout un symbole.
En juin 1999, Kylián choisit d'abandonner ses fonctions de directeur général du N.D.T.. S'il y reste comme chorégraphe et conseiller artistique, il laisse le champ libre à de jeunes créateurs comme Paul Lightfoot et Sol Leon, Amos Ben-Tal, Gustavo Ramirez Sansano, Lukáš Timulak, Johan Inger... (tous anciens danseurs du N.D.T.), mais aussi à des chorégraphes de renom comme Ohad Naharin (chorégraphe directeur de la Batsheva Company, Israël) ou William Forsythe. En 2000, il est également nommé conseiller artistique auprès de la Saitama Arts Foundation de Tōkyō.
En 2004, Jiří Kylián crée pour le Ballet de l'Opéra de Paris Il faut qu'une porte... (musique Dirk Haubrich, Louis Couperin) en s'inspirant du tableau de Fragonard, Le Verrou, après s'être laissé guider par l'instantané photographique pour Last Touch créé en 2003 pour le N.D.T. Puis il revient[...]
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Écrit par
- Jean-Claude DIÉNIS : journaliste dans le domaine de la danse
- Agnès IZRINE : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse
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