ŠOTOLA JIŘI (1924-1989)
Poète, romancier et auteur dramatique tchèque, Jiř í Šotola est né dans un petit village de la Bohême orientale. Après la guerre, il étudie à Prague l'art dramatique dans la classe du célèbre metteur en scène Jiř í Frejka.
Il débute dès 1946 avec deux recueils de poèmes qui reflètent les sentiments de sa génération, grandie pendant la guerre. Puis il poursuit une dizaine d'années plus tard avec Svět náš vezdejší (Le Monde d'ici-bas, 1957), Venuše z Mélu (Vénus de Milo, 1959), Bylo to v Evropě (C'était en Europe, 1960), Hvězda Ypsilon (L'Étoile Upsilon, 1962) et Poste restante (1963) qui se veulent l 'expression de la « po ésie du quotidien » pr ôn ée par les poètes groupés autour de la revue Květen (Mai) dont Jiř í Šotola faisait partie. Cependant, les derniers recueils de cette période laissent déjà percer un scepticisme et le souci d'exprimer davantage les contradictions de la réalité sociale de son époque.
Vers la fin des années 1960, Jiř í Šotola se tourne vers la prose. Mais suite à l'écrasement du « printemps de Prague », son premier roman ne sera pratiquement pas distribué et son auteur se verra réduit au silence jusqu'à son « autocritique », publiée au début de 1975. Ce roman, Tovaryšstvo Ježíšovo (La Nuit baroque, 1969), bien que situé au xviie siècle, au moment où le pouvoir impose de force à la Bohême protestante la religion catholique par l'intermédiaire de la Compagnie de Jésus, n'est pas sans évoquer la mise au pas, après 1968, de la Tchécoslovaquie par un pouvoir étranger.
En effet, comme beaucoup d'auteurs, Jiř í Šotola s'inspire des faits historiques pour mieux cerner les problèmes du présent. La plupart de ses héros sont des petites gens. Marionnettes broyées par la Grande Histoire, ils essaient en vain, tantôt de la fuir, comme le héros tragi-comique du roman Kuře na rožni (Les Jambes c'est fait pour cavaler, publié d'abord en samizdat, en 1974), qui se situe à l'époque des guerres napoléoniennes, tantôt de composer avec ses protagonistes, comme dans le roman Svatý na mostě (Le Saint sur le pont, 1978), inspiré par le sort du confesseur de l'épouse du roi tchèque du xive siècle Venceslas IV, Jean de Pomuk. Sorti de rien, celui-ci ne songe qu'à s'élever – au prix de maintes compromissions et trahisons – au sommet de l'échelle sociale, afin d'avoir l'illusion de détenir un peu de puissance. Il mourra de la main de celui qui possédait réellement le pouvoir.
L'histoire qui dévore même les innocents est au centre de Osmnáct Jeruzalému (Les Dix-huit Jérusalem, 1986), qui raconte l'effroyable « croisade des enfants » au cours de laquelle, au début du xiie siècle, plusieurs milliers d'enfants périrent inutilement au nom de la libération de la Terre sainte. L'absurdité de l'histoire est aussi le sujet du roman Malovaný děti (Allons enfants..., 1983) dans lequel un militaire condamné à mort pendant la Première Guerre mondiale, n'est finalement exécuté qu'après l'Armistice, aux premiers jours de la Tchécoslovaquie libre. Il s'agit là du premier tome d'une trilogie commencée avec la Grande Guerre et qui se poursuit jusqu'au milieu des années 1980. Le tome suivant, Róza Rio (1986), est une glorification des petites gens, seuls garants des vraies valeurs humaines. Podzim v zahradní restauraci (L'Automne dans un restaurant de plein air, 1988) est le dernier volet de cette trilogie, en même temps que l'ultime œuvre de Šotola. À travers l'histoire d'un professeur de lycée vieillissant, attiré platoniquement par une de ses élèves, percent la désillusion entraînée par l'âge, la méfiance envers les certitudes absolues et les grandes idées, ainsi que la constatation désabusée que, en définitive, la vie n'a d'autre sens[...]
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Écrit par
- Milan BURDA : maître de conférences de tchèque à l'université de Bordeaux-III-Michel-de-Montaigne, chargé de cours de littérature tchèque à l'Institut national des langues et civilisations orientales, Paris
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