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JÑĀNA

La réflexion philosophique indienne (tant bouddhiste qu'hindoue) est déterminée par un certain nombre de présupposés, parmi lesquels l'idée que le sujet pensant est modifié, dans sa nature même, par le type de connaissance qu'il acquiert au cours de son existence. Ainsi le salut est-il fonction de ce que l'on sait plutôt que de ce que l'on fait. L'action, en effet, est inéluctable : respirer, manger sont déjà des actes (karman) ; à plus forte raison le sont des gestes volontaires tels que prendre, donner, frapper. Mais la relation entre l'acte et ses conséquences métaphysiques est normalement inconnue de l'individu, qui s'en tient aux effets immédiats accessibles à la perception et au raisonnement de simple bon sens.

Il existe cependant un autre type de connaissance (en sanskrit jñāna, qui correspond au grec gnôsis) relevant non plus de l'activité mentale (manas), dont le siège est le cerveau, mais de l'intuition intellectuelle, dont l'organe (buddhi, « l'intelligence ») est situé dans le cœur. Lorsque, grâce à la direction spirituelle du maître (guru) qui l'a initié, le sujet parvient à « voir » avec « l'œil du cœur », la révélation qu'il obtient ainsi (et qui est souvent comparée à une « illumination ») provoque une mutation de son être ; l'équation entre l'« âme » (ātman) et l'absolu (brahman) est alors « réalisée » (de virtuelle qu'elle était, elle devient réelle), et cette réalisation constitue en elle-même le salut, toujours conçu comme une délivrance (mokṣa) des liens de l'existence. Le sujet qui a bénéficié de cette expérience s'élève du monde des phénomènes à celui de l'Essence ; par définition, une telle transformation est irréversible.

On comprend dès lors pourquoi les divers points de vue sur la doctrine traditionnelle (darśanas) sont autant de « systèmes » proposant chacun une voie particulière pour l'acquisition de la connaissance : tel est, en fin de compte, le seul objet de la recherche philosophique en Inde depuis les premières upaniṣhads (vers le ~ xe s.) jusqu'à nos jours.

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

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