SANDRART JOACHIM VON (1606-1688)
Écrivain d'art, Sandrart est aussi le plus célèbre, sinon le meilleur peintre allemand de son époque ; sa réputation actuelle tient surtout à la publication de la Teutsche Academie (Académie allemande), ouvrage monumental dans la ligne des Vite de Vasari, source de très nombreux renseignements pour l'histoire de la peinture. Après une première formation à Nuremberg, puis à Prague, Joachim von Sandrart travaille, de 1623 à 1627, à Utrecht auprès de Gerrit van Honthorst, qu'il accompagne à la cour de Charles Ier d'Angleterre. De 1629 à 1635, il séjourne successivement à Venise, à Bologne, à Rome et à Naples où il a des contacts avec de nombreux artistes tels que Johann Lyss, Guido Reni, Poussin et Pierre de Cortone. De retour à Francfort-sur-le-Main, sa ville natale, il se marie en 1635. Trois ans plus tard, fuyant peut-être les troubles de la guerre de Trente Ans, il part pour Amsterdam, où il fréquente les milieux intellectuels de la ville. Établi à partir de 1645 ( ?) sur un domaine situé près d'Ingolstadt, qu'il tient d'un héritage, il mène alors l'existence fastueuse d'un grand seigneur de la peinture européenne. Il travaille pour le prince-électeur de Bavière Maximilien Ier ; en 1649-1650, il paraît au Congrès de Nuremberg, appelé par le comte palatin Carl Gustav (le futur roi de Suède), pour immortaliser l'événement par ses pinceaux : l'empereur Ferdinand III l'anoblit en 1653. De 1660 à 1674, il réside à Augsbourg ; il s'installe ensuite définitivement à Nuremberg, où une Académie des beaux-arts, la première d'Allemagne, avait été fondée en 1662 à son instigation. Avant de quitter Augsbourg, il y avait fondé une académie privée qui, reprise par la municipalité, deviendra au xviiie siècle l'un des principaux foyers de la peinture allemande.
Comme artiste, Sandrart fait preuve d'un éclectisme où se reflètent l'abondance de ses voyages et la diversité de ses contacts ; sa facture n'évite pas la lourdeur et la mollesse. Il aime les grandes « machines » peintes avec brio mais réussit mieux dans des œuvres moins ambitieuses, comme la série des mois peinte pour l'électeur de Bavière (collection de peintures de l'État de Bavière). Sandrart a sur l'art les idées de son temps, idées reprises de Vasari (importance du dessin et prééminence de l'invention, progrès de l'art, nécessité d'un bon enseignement) et qui présidèrent à la fondation des académies dans l'Europe entière. Artiste « arrivé », il a une haute opinion de la place que doivent occuper les artistes dans la société, d'où son admiration pour Rubens et ses remarques mêlées d'étonnement et de réprobation sur la manière de vivre de Rembrandt. Le souci d'assurer aux artistes une position élevée dans la société allemande transparaît dans certaines pages de la Teutsche Academie. Mais l'ouvrage répondait à une autre préoccupation, celle de donner à l'Allemagne un Vasari ou un Carel van Mander ; il s'inscrit dans un courant de nationalisme culturel dont la publication au début du siècle de la Teutscher Nation Herrlichkeit (Magnificence de la nation allemande), due à Quadt von Kinckelbach, et les premiers cours tenus par Thomasius en langue allemande dans une université (1687-1688) constituent d'autres symptômes. Parue en deux tomes (1675, 1679) à Nuremberg, la Teutsche Academie comprend des biographies d'artistes de tous les pays, précédées de considérations théoriques et suivies par une vie de Sandrart, écrite probablement par un de ses disciples sous sa dictée. Pour la plupart des vies, Sandrart se contente de reprendre des ouvrages plus anciens, sans les soumettre à un examen critique et sans les citer, selon l'habitude de l'époque ; mais certaines d'entre elles sont entièrement originales,[...]
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Écrit par
- Pierre VAISSE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Genève
Classification
Média
Autres références
-
ART (Le discours sur l'art) - L'histoire de l'art
- Écrit par André CHASTEL
- 4 725 mots
- 1 média
...Schildersboek (Alkmaar, 1604), puis l'Espagnol Francisco Pacheco, Arte de la pintura (Séville, 1609), et le premier interprète de l'art allemand, Joachim von Sandrart, dont la Teutsche Akademie der edeln Bau-, Bild- und Mahlerey-Künste parut en 1675 à Nuremberg. Comme son modèle italien, et à la...